L'organisation Sea-Watch avait saisi un tribunal sicilien après l'immobilisation de deux de ses navires humanitaires, accusant les autorités portuaires d'outrepasser leurs pouvoirs. Crédit :  Sea-Watch, AP, picture-alliance
L'organisation Sea-Watch avait saisi un tribunal sicilien après l'immobilisation de deux de ses navires humanitaires, accusant les autorités portuaires d'outrepasser leurs pouvoirs. Crédit : Sea-Watch, AP, picture-alliance

Dans un arrêt rendu lundi, la Cour de justice de l’Union européenne a statué sur l’immobilisation des navires humanitaires, estimant que seul un risque manifeste pour la sécurité, la santé ou l'environnement peut justifier leur blocage. La Cour avait été sollicitée par un tribunal sicilien, lui-même saisi par l’organisation allemande Sea-Watch après que deux de ses navires avaient été immobilisés par les autorités italiennes.

C’est une décision fondamentale pour les organisations qui affrètent des navires de sauvetage des migrants en mer. La Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) a jugé, dans un arrêt rendu lundi 1er août, que les autorités d’un État ont bien le droit d’effectuer des contrôles sur ces navires humanitaires.

Les juges soulignent que "le nombre de personnes à bord, même largement supérieur à celui autorisé, ne peut pas constituer, à lui seul, un motif justifiant un contrôle".

Surtout, la Cour souligne que les autorités ne peuvent les immobiliser qu’en cas de risque manifeste pour la sécurité, la santé ou l'environnement. Là encore, les juges entérinent donc le fait que la surcharge ne peut pas être un motif d'immobilisation.

La Cour estime ainsi que les autorités doivent démontrer, de façon concrète et circonstanciée, l'existence d'indices sérieux d'un danger pour la santé, la sécurité, les conditions de travail à bord ou l'environnement pour justifier l'immobilisation d'un bateau.

La CJUE suggère toutefois que le fait de mener régulièrement des opérations de sauvetage à l'aide de navires certifiés en tant que navires de charge pourrait constituer un motif suffisant de contrôle.

Recours en justice

Cet arrêt de la plus haute juridiction de l'UE répond à une question préjudicielle posée par un tribunal sicilien visant à clarifier l'étendue des pouvoirs de contrôle et d'immobilisation des autorités sur les navires exploités par les ONG.

L'organisation allemande Sea-Watch a lancé deux recours devant la justice italienne après que les capitaineries des ports de Palerme et de Port-Empédocle, en Sicile, ont immobilisé deux de ses navires, qui avaient secouru des migrants en Méditerranée et les avaient amenés en Sicile au cours de l'été 2020. Les juges italiens ont ensuite demandé à la CJUE des directives sur cette affaire.

À l’été 2020, les autorités des ports de Palerme et d'Empedocle avaient fait valoir qu'ils avaient contrôlé et immobilisé les navires au motif qu'ils n'étaient pas certifiés pour une activité de recherche et de sauvetage en mer et qu'ils avaient recueilli à bord un nombre de personnes largement supérieur à celui autorisé.

"Les contrôles arbitraires doivent prendre fin"

Le tribunal sicilien saisi par Sea-Watch va maintenant devoir décider si les circonstances spécifiques de ces affaires justifiaient les actions des autorités portuaires.

De son côté, Sea-Watch s'est félicité du jugement, affirmant qu'il offrait une sécurité juridique aux ONG et "une victoire pour le sauvetage en mer". "Le fait que les contrôles des autorités portuaires puissent continuer à avoir lieu sur les navires des ONG est une bonne chose. Après tout, ils sont destinés à assurer la sécurité des navires, ce qui est important pour nous. Les contrôles arbitraires, par contre, doivent enfin prendre fin", a souligné l’organisation sur Twitter.

Les relations entre les ONG faisant du sauvetage en mer et les autorités italiennes ont souvent été houleuses ces dernières années en raison des blocages de navires dans les ports italiens. La situation avait atteint un point critique en juin 2021, quand cinq navires avaient été immobilisés dans différents ports. Les autorités italiennes avaient justifié ces immobilisations par des arguments portant sur des questions techniques et en invoquant "le grand nombre de personnes récupérées, qui dépasse le nombre autorisé" et qui aurait constitué "un grave danger pour le navire et l'équipage".

 

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