À Loué, dans la Sarthe, la commune de 2 300 habitants accueille des Ukrainiens et des étudiants africains. Crédit : Sylvie Koffi/RFI
À Loué, dans la Sarthe, la commune de 2 300 habitants accueille des Ukrainiens et des étudiants africains. Crédit : Sylvie Koffi/RFI

Depuis six mois, et le début de la guerre en Ukraine, des milliers de déplacés ont trouvé refuge en France. Parmi eux, des étudiants non ukrainiens, originaires du continent africain et qui souhaitaient continuer leurs études dans l'Hexagone. Depuis juillet 2022, une circulaire du ministère de l'Intérieur leur a donné le feu vert pour qu'ils s'inscrivent dans les universités françaises, et a "gelé" les Obligations de quitter le territoire (OQTF). Pourtant, certains étudiants en reçoivent toujours.

Rostambert a 20 ans. Il a rejoint la France il y a six mois, victime de la guerre en Ukraine. Cet étudiant camerounais a un seul objectif en tête, continuer ses études en génie informatique.

Il a pu s'inscrire à la fac de la Sorbonne mais il ne comprend pas pourquoi la préfecture lui envoie une Obligation de quitter le territoire français (OQTF). "Ils disent que je n'ai pas réussi à prouver que j'étais étudiant en Ukraine. Pourtant, ils connaissent la situation. Ils savent que certaines universités n'ont plus la possibilité de fournir des certificats de scolarité à leurs étudiants. Et ils disent aussi que j'ai été inscrit à la Sorbonne en année de consolidation. Ils mettent ça en justification de l'OQTF."

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Pour lui, c'est une véritable injustice. "Je ne comprends pas pourquoi on est maltraités. Avec les Ukrainiens, on a fui la même guerre. On a passé des jours aux frontières sans manger. Puis quand on arrive ici, c'est tout un autre monde qui s'ouvre pour eux, mais pour nous, toutes les portes sont fermées."

Pour Célia Hadi, de l'association France Fraternités qui les accompagne dans ce labyrinthe administratif, c'est un véritable parcours du combattant. "C'est pas parce que vous avez une inscription que vous avez automatiquement une carte étudiant. Le blocage est davantage au niveau des préfectures. Il y a un moratoire qui gèle les expulsions jusqu'à la rentrée en septembre. Donc recevoir une OQTF est un peu bizarre."

Les délais sont courts : un mois pour déposer un recours. En cas de rejet, le jeune homme devra quitter la France par ses propres moyens, au risque d'être en situation irrégulière sur le sol français.

Des étudiants qui doivent tout recommencer

D'autres étudiants inscrits dans les filières pharmacie, architecture, ou autres, ne peuvent pas poursuivre leurs études en France dans le domaine qu'ils souhaitaient. Ben a 24 ans. Il est originaire de la Côte d'Ivoire. Comme lui, ils sont une vingtaine d'étudiants d'Ukraine qui sont arrivés à Loué, dans le centre-est de la France, en pleine année scolaire. Après six ans d'études de médecine en Ukraine, son rêve de devenir médecin est en train de se briser.

"Il y en a qui ont pu s'inscrire beaucoup plus facilement que d'autres par rapport à leurs filières. Certaines personnes ont été rétrogradées. Pour mon cas, c'est un peu plus compliqué parce qu'en médecine, on me demande de reprendre depuis la première année", explique Ben.

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Le jeune homme n'avant plus qu'un an d'études avant de valider son diplôme. Mais la guerre l'éloigne de plus en plus de son rêve de devenir médecin.

"Je suis assez déçu et perdu parce que c'est comme si on nous demandait de retourner à la case départ. Mais j'y crois toujours un peu quelque part. Je me dis peut-être que les décideurs prendront une mesure en notre faveur, c'est-à-dire, on fait exception à la règle pour donner la possibilité de continuer nos études. On peut aider la France par rapport au déficit qu'il y a dans le domaine de la santé. C'est ce que je trouve paradoxal."

Mais pas question pour Ben de baisser les bras. Il vient de s'inscrire au Mans pour une Licence Accès Santé (LAS).

 

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