Gérald Darmanin à l'Elysée, le 26 octobre 2022. Crédit : Reuters
Gérald Darmanin à l'Elysée, le 26 octobre 2022. Crédit : Reuters

Les ministres français du Travail et de l'Intérieur, Olivier Dussopt et Gérald Darmanin, ont présenté un projet de loi sur l'immigration, mercredi, estimant que les procédures d'expulsion devaient être nettement augmentées et que, dans le même temps, l'insertion des travailleurs étrangers devait être facilitée. Un exercice d'équilibriste qui sera débattu au premier semestre 2023.

"Si je devais résumer, je dirais qu'on doit désormais être méchant avec les méchants et gentil avec les gentils." Par cette phrase, le ministre de l'Intérieur français Gérald Darmanin a exposé, mercredi 2 novembre, sa vision de la politique migratoire en France. Dans un entretien au journal Le Monde, il a dévoilé, aux côtés du ministre du Travail Olivier Dussopt, les grandes lignes d'un projet de loi attendu sur l'asile et l'immigration, vantant à la fois un durcissement sur les expulsions et une main tendue pour les travailleurs immigrés. 

Alors que le gouvernement est critiqué, notamment à l'extrême droite, pour le faible taux d'exécution des mesures d'éloignement, cette future loi, prévue au premier semestre 2023, doit en premier lieu introduire une série de mesures pour rendre les "obligations de quitter le territoire français" (OQTF) plus efficaces - sujet qui occupe le débat public depuis le meurtre d'une jeune fille de 12 ans, Lola, tuée mi-octobre par une ressortissante algérienne sous le coup d'une OQTF.

InfoMigrants fait le point sur les principales déclarations du gouvernement - qui doivent encore être validées par le Parlement.

  • Les immigrés menacés d'expulsion au "fichier des personnes recherchées"

Le gouvernement veut inscrire les immigrés menacés d'expulsion au fichier des personnes recherchées, a affirmé Gérald Darmanin. "Nous allons désormais inscrire toutes les OQTF au fichier des personnes recherchées, le FPR", a-t-il déclaré. 

Le FPR est utilisé notamment par les gendarmes, policiers et agents des douanes, pour rechercher, surveiller ou contrôler certaines personnes.

>> À (re)lire : France : tout savoir sur les expulsions des étrangers avec ou sans papiers

"Il ne s'agit pas de rétablir le délit de séjour irrégulier, a précisé le ministre de l'Intérieur, mais de pouvoir constater que la personne repart (...) et ainsi de compter tous les départs d'étrangers."

Cette méthode aurait donc pour but de garder un œil plus attentif sur les renvois effectifs.  La France délivre environ 120 000 OQTF par an mais en exécute moins de 10%. "Il y a près de 50% des OQTF qui font l'objet de recours qui les suspendent", a défendu le ministre, réaffirmant vouloir "fortement simplifier les procédures" en passant "de douze à quatre catégories de recours" possibles.

Le ministre de l'Intérieur veut également mettre fin aux "réserves d'ordre public" qui "empêchent d'éloigner des personnes arrivées avant 13 ans" en France. 


  • Réformes en matière d'asile

Le projet de loi prévoit également plusieurs réformes en matière d'asile, dont la généralisation du juge unique à la Cour nationale du droit d'asile (CNDA), où une formation collégiale ne se réunira plus que pour "des cas très difficiles".

"La possibilité d’organiser des audiences en vidéo sera généralisée", a annoncé Gérald Darmanin.

>> À (re)lire : Pourquoi l'expulsion de tous les sans-papiers est impossible ?

S’il n’y a pas d’appel contre le rejet d'une demande d’asile par l’Ofpra (Office français de protection des réfugiés et apatrides) , celui-ci "vaudra OQTF avec possibilité de recours sous quinze jours", a indiqué Gérald Darmanin.

  • Fin de l'interdiction de travailler pendant les six premiers mois pour un demandeur d'asile

Le gouvernement a annoncé vouloir faciliter l'insertion professionnelle des travailleurs immigrés, a indiqué Olivier Dussopt. "Et il y a des progrès à faire puisque au premier semestre, lorsque le taux de chômage était à 7,5%, celui des travailleurs immigrés était à 13%. Il faut que le travail redevienne un facteur d'intégration et d'émancipation", a-t-il déclaré.

Pour ce faire, le ministre du Travail veut par exemple mettre fin - sous conditions - au délai de carence qui empêche les demandeurs d'asile de travailler pendant leurs six premiers mois en France. Une situation qui est régulièrement perçue comme une contrainte pour les migrants, qui doivent dans ce laps de temps survivre avec l'ADA (allocation pour demandeurs d'asile).

  • Création d'un titre de séjour "métier en tension"

Le ministre du Travail plaide également pour la création d'un titre de séjour "métier en tension", pour recruter dans les secteurs qui peinent à trouver de la main d'œuvre. Les catégories de ces métiers n'ont pas été spécifiées. Le secteur du bâtiment, de la manutention ou celui des services à domicile sont des domaines où les travailleurs sans papiers sont présents en nombre.

>> À (re)lire : Les aides à domicile sans-papiers, travailleuses essentielles oubliées de la campagne présidentielle

"Les organisations professionnelles nous disent qu'elles ont besoin qu'on facilite le recrutement d'étrangers. Nous leur proposons des solutions avec ce projet de loi", a ajouté Olivier Dussopt.

  • Renouvellement automatique de titres pluriannuels, à condition de bien parler le français

Plus généralement, le gouvernement se veut plus souple sur la délivrance de titres de séjour. Il veut ouvrir la porte à une réforme réclamée de longue date par les syndicats : permettre à un travailleur en situation irrégulière de demander lui-même sa régularisation, "sans passer par l'employeur", qui peut "trouver un intérêt" à le maintenir dans la clandestinité, selon Olivier Dussopt.

>> À (re)lire : "On ne baissera pas les bras" : les travailleurs sans-papiers de Chronopost poursuivent la grève

À cet égard, a convenu Gérald Darmanin, "nous ne donnons peut-être pas assez de titres de séjour". "Nous allons proposer le renouvellement automatique des titres pluriannuels de ceux qui ne posent aucun problème, qui n'ont aucun casier judiciaire", a-t-il poursuivi. Plusieurs centaines de milliers de personnes seraient concernées par cette mesure, selon ses estimations. Ce renouvellement sera toutefois conditionné à la réussite d’un examen de français.

 

Et aussi