Des migrants bloqués à bord du Humanity 1 dans le port de Catane, en Italie, le 7 novembre 2022. Crédit : Reuters
Des migrants bloqués à bord du Humanity 1 dans le port de Catane, en Italie, le 7 novembre 2022. Crédit : Reuters

Les bateaux Geo Barents et Humanity 1 ont été autorisés à accoster dans le port de Catane, en Italie, dimanche. Mais seule une partie de leurs naufragés, notamment des mineurs et des personnes malades, a pu débarquer. Le Humanity 1 a reçu l'ordre de repartir en mer avec 35 migrants toujours à bord. Mais le capitaine refusait, lundi, de quitter le port. Deux autres navires, l'Ocean Viking et le Rise Above, sont, quant à eux, toujours bloqués en mer, avec des centaines de migrants.

Le blocage des navires humanitaires en Méditerranée se poursuivait, lundi 7 novembre. Dimanche, le navire de Médecins sans frontières (MSF), le Geo Barents, battant pavillon norvégien, a été autorisé par l'Italie à accoster dans le port de Catane, en Sicile. Mais comme pour le précédent navire humanitaire qui a eu le droit d'accoster dans le week-end, une partie seulement des rescapés a pu être débarquée. Tard dans la soirée, 357 migrants ont été autorisés à fouler le sol italien, mais 215 autres sont restés bloqués à bord.

Des familles ont été parmi les premières à quitter le bateau. "Merci, le Geo Barents, merci", a lancé un homme avec un bébé au bras, en débarquant sur la terre ferme après deux semaines en mer. Un autre homme, en fauteuil roulant, a été évacué par des travailleurs de la Croix Rouge.

"Ceux qui restent dans le navire recevront l'assistance nécessaire pour quitter les eaux territoriales" italiennes, ont affirmé, dimanche, des sources proches du ministre des Transports et dirigeant populiste de la Ligue anti-migrants Matteo Salvini, dont dépendent les ports.

Lundi après-midi, trois migrants bloqués à bord de ce navire ont sauté à l'eau, dans un acte de désespoir. Ces hommes ont rapidement été sortis de l'eau, a déclaré un porte-parole de MSF.

Plus tôt dimanche, l'Italie avait déjà effectué un tri dans les rescapés présents, cette fois-ci, à bord du navire Humanity 1, sous drapeau allemand. Le nouveau gouvernement d'extrême droite italien a autorisé le débarquement de mineurs et d'autres migrants souffrant de problèmes médicaux.

Trois jeunes filles et un bébé ont été les premiers à débarquer à l'aube du bateau Humanity 1, suivis des garçons mineurs et des hommes adultes ayant des problèmes médicaux, a déclaré à l'AFP Petra Krischok, attachée de presse de SOS Humanity. Au total, 144 personnes ont pu quitter le navire humanitaire de l'ONG allemande au port de Catane, mais 35 sont restés à bord.

"C'est une forme de refoulement collectif, ce qui est illégal" 

Les autorités ont ensuite exigé que le Humanity 1 quitte le port de Catane. "Le capitaine a refusé cet ordre", a tweeté l'ONG. "La loi maritime l'oblige à mener toutes les personnes secourues en mer dans un port sûr (...). Les survivants ont droit à une évaluation de protection individuelle, qui ne peut avoir lieu que sur terre. Refuser [de prendre en charge] les 35 personnes à bord du Humanity 1 qui recherchent une protection depuis les eaux territoriales est une forme de refoulement collectif, ce qui est illégal." 

Ces migrants "sont extrêmement déprimés", a ajouté Petra Krischok, attachée de presse de SOS Humanity, auprès de l'AFP. "Pour l'instant, nous restons ici et nous attendons."

Le ministre de l'Intérieur Matteo Piantedosi avait déclaré, samedi, que le gouvernement ne ferait pas marche arrière quant à ses obligations humanitaires, mais que ceux qui ne sont pas "qualifiés" devraient être pris en charge par l'État du pavillon du navire.

En réaction à ce tri de migrants, le patron du Parti démocrate (PD, principale formation de gauche) Enrico Letta a accusé le gouvernement sur Twitter de violer les traités internationaux. Le PD a affirmé que Matteo Piantedosi devrait s'expliquer devant le parlement.

Le député de l'opposition Aboubakar Soumahoro, qui était présent lors du débarquement de l'Humanity 1, a critiqué, pour sa part, la "sélection des migrants naufragés", qui, selon lui, viole le droit international. Le gouvernement traite "les naufragés, déjà épuisés par le froid, la fatigue, les traumatismes et la torture comme des objets", a-t-il estimé.

"Si les naufragés restants sont rejetés, nous contesterons cette décision devant toutes les instances appropriées", a-t-il déclaré sur Twitter. 

"La plus longue période jamais passée par des rescapés sur l'Ocean Viking"

Deux autres navires ont demandé, en vain, de pouvoir accoster : le Rise Above, de l'ONG Mission Lifetime, sous pavillon allemand, et l'Ocean Viking de SOS Méditerranée, enregistré, lui, en Norvège.

Quatre personnes souffrant de "graves complications médicales" ont pu être évacuées du Rise Above, a tweeté l'ONG Mission Lifetime dimanche. Mais à bord, "la situation continue d'empirer". "Nous exigeons un port sûr maintenant !", a lancé l'organisation. Quatre-ving-neuf rescapés sont toujours à bord du Rise Above.

Statu quo du côté de l'Ocean Viking, qui transporte 234 naufragés, dont 56 mineurs, certains depuis plus de deux semaines. Un record pour ce navire humanitaire. "Les conditions météo extrêmes ont été très difficiles pour les personnes qui ont dormi sur le pont, a commenté SOS Méditerranée. Seize jours d'attente : la plus longue période jamais passée par des rescapés à bord de l'Ocean Viking. Leur santé physique et mentale empire. Ils nécessitent un lieu sûr de toute urgence."

Contactée par InfoMigrants, Carla Melki, directrice adjointe des opérations pour SOS Méditerranée, a expliqué que l'équipage avait formulé 15 demandes de débarquement auprès des autorités italiennes ces deux dernières semaines, toutes restées sans réponse. L'équipage a également sollicité Malte, resté silencieux.

"C'est le 17e jour en mer avec des rescapés, a-t-elle affirmé. On a battu tous nos records."

"À bord, on a de plus en plus d'altercations, il y a beaucoup de tensions", continue Carla Melki qui évoque le problème de la promiscuité sur le pont du bateau où dorment les migrants. "Plus de 140 personnes ont dû être traitées pour mal de mer après deux jours passés à essuyer des tempêtes avec des vents extrêmement forts. Il y a aussi de nombreuses personnes qui souffrent d'infection des voies respiratoires."

Le nouveau gouvernement d'extrême droite italien, qui a prêté serment le mois dernier, s'est engagé à durcir sa politique vis à vis des migrants arrivant par bateaux d'Afrique du Nord. Plus de 87 000 personnes ont débarqué en Italie cette année, selon le ministère de l'Intérieur, dont 14% ont été secourues par des navires humanitaires.

Le ministère norvégien des Affaires étrangères a déclaré quant à lui, jeudi, qu'il n'assumait "aucune responsabilité" pour les personnes secourues par des navires privés battant pavillon norvégien en Méditerranée. L'Allemagne, de son côté, a insisté, dans une "note" diplomatique adressée à l'Italie, sur le fait que les organisations caritatives "apportaient une contribution importante au sauvetage de vies humaines" et a demandé à Rome "de les aider dès que possible".

 

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