Dix migrants ont été secourus, mardi, par des garde-frontières polonais à la frontière avec la Biélorussie alors qu'ils se trouvaient pris au piège d'un marais. Les tentatives de franchissement se multiplient dans cette zone ces derniers mois. À la suite de la crise qui avait éclaté en 2021 entre les deux pays, la Pologne a construit un mur pour empêcher les exilés d'entrer sur son territoire.
Les tentatives de passage n'ont jamais réellement cessé. Un an après le début de la crise humanitaire entre la Pologne et la Biélorussie, des exilés continuent à tenter de franchir la frontière orientale de l'Union européenne (UE) pour entrer en Pologne.
Mardi 8 novembre, dix personnes – 8 Sri Lankais, un Pakistanais et un Indien – ont été secourues par des garde-frontières polonais alors qu'elles étaient prises au piège de l'un des nombreux marais de cette zone naturelle préservée.
Le nombre de passages avait fortement diminué après le pic de la crise humanitaire à l'automne 2021, notamment grâce aux rapatriements de nombreux Irakiens dans leur pays. Varsovie a également édifié un mur de plus de 5 mètres de haut le long de la frontière biélorusse. Mais l'édifice n’empêche pas plusieurs dizaines de migrants de passer en Pologne chaque jour. Entre juillet et octobre 2022, l'association d'aide aux exilés Grupa Granica (Groupe frontière, en polonais) a reçu des demandes d'aide humanitaire de 1 642 personnes, dont 68 enfants.
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Selon les militants des droits de l'Homme polonais qui viennent en aide aux exilés dans la zone frontalière, le mur a même aggravé la situation humanitaire car de plus en plus de personnes arrivent en Pologne avec des fractures et de graves blessures après avoir escaladé le mur. Les différents groupes d'aide à la frontière notent également que le droit n'est pas bien respecté à la frontière, avec des personnes empêchées de déposer une demande d'asile.
Des profils de migrants différents
La principale différence entre la hausse des arrivées actuelle et celle de septembre 2021 tient aux exilés. "Le profil des migrants a radicalement changé. L’immense majorité provient désormais d’Afrique subsaharienne et de pays jamais recensés auparavant : Nigeria, Soudan, Congo, Togo, Bénin, Madagascar, Côte d’Ivoire, Kenya, Erythrée", expliquait fin octobre Katarzyna Zdanowicz, porte-parole des garde-frontières de la région de Podlachie, interrogée par Le Monde.
La porte-parole disait avoir également noté des différences dans les parcours des migrants. Selon elle, les exilés ne passent plus par Minsk pour atteindre la Pologne mais par Moscou. "Il est clair que la Russie leur facilite la tâche. Les visas russes sont tous récents", affirmait-elle.
Craignant des arrivées de migrants orchestrées par la Russie, le ministre de la Défense polonais, Mariusz Blaszczak, a annoncé le 2 novembre la construction "immédiate" d’une barrière à la frontière avec le territoire russe de Kaliningrad, sur le modèle du mur déjà élevé à la frontière biélorusse. Cette décision fait suite à l’annonce, le 30 septembre, des autorités aéronautiques russes de libéraliser le trafic aérien avec Kaliningrad. “L'aéroport de Kaliningrad accepte désormais les vols en provenance du Moyen-Orient et de l'Afrique du Nord", a expliqué Mariusz Blaszczak lors d’une conférence de presse.
Au moins 27 morts et 186 disparus
Les ONG de défense des migrants s’inquiètent des conséquences pour les exilés de la multiplication des murs frontaliers. En plus d’empêcher des personnes potentiellement vulnérables de demander l’asile, elles risquent aussi de pousser les migrants, instrumentalisés comme des pions dans un conflit géopolitique, à employer des routes encore plus dangereuses.
Depuis le début de la crise humanitaire dans cette zone, 27 personnes ont déjà perdu la vie. Mais ce nombre pourrait être bien plus important. Le Grupa Granica dit être en contact avec les familles de quelque 186 personnes disparues.
La zone frontalière entre la Biélorussie et la Pologne est une forêt primaire qui comporte de nombreuses zones marécageuses. Les décès y sont, dans la majorité des cas, causés par des hypothermies ou des noyades. C'était le cas d'au moins trois personnes ces derniers jours, rappelle le Grupa Granica. Siddig Musa Hamida Eisa, dont le corps a été retrouvé le 25 octobre dans la rivière Svisłocz, Raja Hasan, "morte après avoir été déportée en Biélorussie", et Ahmad Al-Hasan, "mort en franchissant la rivière Bug".