Déploiement de "ressources technologiques et humaines" de part et d'autre de la Manche, dont des drones et des observateurs, création de centres d'accueil dans le sud de la France… Paris et Londres ont signé, lundi, un nouvel accord pour lutter contre l'immigration illégale à bord de petites embarcations dans la Manche.
La France et le Royaume-Uni ont conclu un nouvel accord de coopération, lundi 14 novembre, pour enrayer les traversées de la Manche par des migrants, toujours plus nombreux à tenter ce dangereux périple.
Les deux points principaux de cet accord sont une enveloppe de 72,2 millions d'euros que devront verser les Britanniques en 2022-2023 à la France qui, en contrepartie, s'engage à augmenter ses forces de sécurité de 100 policiers et gendarmes supplémentaires sur les plages d'où partent les migrants à destination des côtes britanniques.
Toutefois, aucun objectif chiffré d'interceptions de bateaux, comme le souhaitait le Royaume-Uni selon la presse outre-Manche, n'apparaît dans la déclaration commune, signée à Paris par le ministre français de l'Intérieur Gérald Darmanin et son homologue Suella Braverman.
"Il n'existe pas de solution miracle"
"Il est dans l'intérêt tant du gouvernement britannique que du gouvernement français d'œuvrer ensemble pour résoudre ce problème complexe", a réagi la ministre britannique de l'Intérieur Suella Braverman, citée dans un communiqué.
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"Il n'existe pas de solution miracle, mais ce nouvel accord nous permettra d'augmenter de manière significative le nombre de gendarmes français patrouillant sur les plages du nord de la France et de garantir que les officiers britanniques et français travaillent main dans la main pour arrêter les passeurs de migrants", a-t-elle encore commenté.
Dans ce texte, Londres et Paris se sont d'abord fixés pour objectif de déployer "des ressources technologiques et humaines", dont des drones, sur le littoral français pour mieux détecter, surveiller et intercepter les bateaux.
Utiliser des renseignements "provenant de migrants interceptés"
Les deux pays veulent également collecter et utiliser des renseignements, notamment "provenant de migrants interceptés", pour mieux démanteler les réseaux de passeurs et dissuader les traversées par un travail conjoint "le plus en amont possible", en lien avec les pays d'origine et de transit des exilés.
Pour les atteindre, une douzaine d'actions visant "une approche plus intégrée et plus efficace" ont été listées. Pour la première fois, des équipes d'observateurs seront déployées de part et d'autre de la Manche pour "améliorer le déroulement des débriefings des migrants" et "accroître les échanges d'informations" entre les deux pays.
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Ces échanges d'informations sont cruciaux pour lutter contre ces passages qui s'organisent dans l'ombre, via des méthodes en constante évolution. Dimanche 13 novembre, un pêcheur français a filmé des tentatives de traversée dans les environs de Calais.
Selon cet homme, cité par France Info, des dizaines de migrants ont tenté la traversée de la Manche à l'aube ce jour-là. Les passeurs auraient donné rendez-vous aux migrants sur une plage via les réseaux sociaux. "En fait, ils font des appels sur Tik Tok et vous pouvez acheter une place comme ça, a observé le pêcheur. Le bateau a un endroit, il donne un point GPS et il longe la côte et récupère le migrant qui a payé."
Financement de places dans des centres d'accueil
L'accord prévoit aussi le financement de "chiens de détection" dans les ports et l'installation de caméras de surveillance aux principaux points de passage frontaliers le long du littoral.
Les Britanniques vont également financer des places dans des centres d'accueil pour migrants dans le sud de la France pour dissuader les exilés qui empruntent la Méditerranée de remonter jusqu'à Calais.
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Cet accord intervient alors que les deux gouvernements sont mis sous pression sur la question migratoire. Au Royaume-Uni, le parti conservateur au pouvoir a fait du contrôle de l'immigration une priorité depuis le Brexit, mais se heurte à la courbe exponentielle des traversées illégales. En France, Gérald Darmanin, accusé par la droite et l'extrême droite de ne pas assez expulser les étrangers interdits de séjour sur le territoire, va présenter début 2023 un projet de loi visant à durcir les procédures d'asile.
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"Nous interceptons beaucoup plus qu'auparavant (plus de 30 000 migrants à ce jour en 2022 contre 22 600 en 2021)" et "nous consacrons 255 millions d'euros" à la sécurisation du littoral, argumente-t-on côté français.
Des efforts insuffisants pour enrayer le phénomène : au cours du week-end dernier, près de 1 000 personnes ont encore tenté la périlleuse traversée. Le ministère de la Défense britannique a par ailleurs indiqué dimanche que plus de 40 000 migrants avaient traversé la Manche depuis le début de l'année, un record.