Le gouvernement de Tripoli a organisé, jeudi, des convois routiers pour renvoyer plus de 200 étrangers vers leurs pays d'origine. Une première, alors que les exilés, souvent enfermés dans des centres de détention, n’ont habituellement que très peu de solutions de quitter le territoire libyen.
L’organe de lutte contre l’immigration clandestine du gouvernement de Tripoli a reconduit 226 étrangers aux frontières terrestres, jeudi 24 novembre, dans un effort de coordination inédit entre les régions rivales du pays. Jusque-là, les migrants coincés en Libye ne pouvaient quitter le pays qu’à la faveur de rapatriements organisés par les agences de l’ONU, ou en faisant appel aux services de passeurs.
Cent-cinq Égyptiens, 101 Tchadiens et 20 Soudanais ont été conduits dans des bus à Ajdabiya, d’où ils devraient être conduits respectivement au poste-frontière de Salloum, au nord de la frontière avec l’Égypte, et à al-Aouenate, à la frontière Sud avec le Soudan, indique l’Agence France Presse (AFP). En présence de représentants de leurs ambassades, ils ont reçu un document de laissez-passer avant leur expulsion.
Suite à un accord passé récemment entre les directions des régions rivales de l'Ouest, du Sud et de l'Est de la Libye, l'organe chargé de la lutte contre l’immigration clandestine au ministère de l'Intérieur du gouvernement de Tripoli opère désormais de manière unifiée pour organiser les renvois.
Cet accord pourrait signaler l’ouverture d’une nouvelle porte de sortie pour certains des dizaines de milliers de migrants coincés en Libye. “Les centres pénitentiaires sont bondés, ce qui crée beaucoup de difficultés”, a expliqué à l’AFP l’adjoint du chef du bureau chargé des expulsions, Badreddine el-Sed Ben Hamed.
680 000 migrants dans le pays
En août 2022, l’Organisation internationale pour les migrations (OIM) comptabilisait près de 680 000 migrants présents en Libye. Beaucoup passent par ce pays, espérant y trouver un moyen de rejoindre l’Europe, mais la plupart se retrouvent coincés dans un cercle vicieux d'extorsion, de détention et même d’esclavage.
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InfoMigrants a recueilli ces dernières années nombre de témoignages d’exilés racontant les sévices subis dans les prisons clandestines. Plusieurs personnes ont également expliqué craindre de sortir dans les rues, par peur d’un enlèvement par des groupes armés qui extorquent ensuite de l'argent aux proches.
"Les gardes [libyens] nous frappent sans raison. Parfois, ils emmènent des personnes dans une pièce et les violentent. Ils filment les tortures et les envoient aux familles pour qu’elles paient une rançon", avait témoigné en février Malik, un réfugié soudanais de 23 ans détenu dans la prison d’Ain Zara, au sud de Tripoli.
Yolanda, une Camerounaise de 27 ans, avait également relaté à InfoMigrants son parcours infernal jusqu’à l’Italie : en Libye, comme de nombreuses femmes migrantes, elle avait notamment été victime d’esclavage sexuel dans une famille libyenne.