Des migrants dans les Alpes près de Briançon en 2021. Crédit : Mehdi Chebil pour InfoMigrants
Des migrants dans les Alpes près de Briançon en 2021. Crédit : Mehdi Chebil pour InfoMigrants

Un jeune migrant africain est tombé après avoir pris la fuite à la vue d'une patrouille de la gendarmerie nationale affectée au contrôle à la frontière franco-italienne, dans la nuit de samedi à dimanche 20 novembre, sur un chemin de haute montagne. Il a passé plusieurs jours à l'hôpital de Briançon et s'en est sorti indemne.

À l’approche de l’hiver, les passages par la montagne depuis l’Italie se multiplient, non sans danger. Un jeune migrant a chuté et perdu connaissance, dans la nuit du samedi 19 novembre au dimanche 20 novembre, alors qu'il était poursuivi par des gendarmes à Montgenèvre, en France, dans les Hautes-Alpes.

Soigné en urgence, le jeune homme a passé près de trois jours à l’hôpital de Briançon avant de se remettre. Après avoir été refoulé par la police aux frontières deux nuits auparavant, le migrant blessé venait de repasser la frontière depuis l’Italie en compagnie de trois autres jeunes originaires d’Afrique subsaharienne.

Jointe par InfoMigrants, la préfecture des Hautes-Alpes, explique que peu après minuit le 20 novembre, dans le secteur de Pierre Verte à Montgenèvre, "trois individus ont pris la fuite à la vue d’une patrouille de la gendarmerie nationale affectée au contrôle à la frontière".

"Les jeunes ont eu très peur"

L’association Tous Migrants, contactée par notre rédaction, a pu s’entretenir avec l’un des compagnons de route du jeune blessé. Il a témoigné de la poursuite qui a eu lieu en pleine nuit avec cette brigade de gendarmerie mobile.

Les quatre jeunes migrants avaient quitté le village italien de Cesana situé en dessous de la frontière, pour passer en France dans la nuit. Il avait neigé et le sol était recouvert d’une petite couche. Les quatre exilés avaient, semble-t-il, perdu leur chemin, explique Tous Migrants.

Aux abords d’une forêt, à proximité du GR5 entre Montgenèvre et Briançon, plongés dans le noir total, ils ont aperçu à la dernière minute des gendarmes français munis de lampes torches qui ont crié. "Les jeunes ont été surpris", relate Pâquerette Forest, membre de Tous Migrants. "Ils sont partis en courant chacun d’un côté, sans savoir où ils allaient."

L’un deux est tombé à terre, "il a perdu connaissance", explique la bénévole. Les gendarmes lui ont porté secours et en ont interpellé deux autres, dont un en état de choc, à qui ils ont fourni une couverture de survie. "Les jeunes ont eu très peur, ils ont tous pleuré quand ils ont vu leur copain inconscient", raconte Pâquerette Forest.

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D’après la préfecture des Hautes-Alpes, ces trois migrants "ont été retrouvés dans un fossé, deux indemnes et un troisième nécessitant l’intervention des secours pour un état de choc et des plaies superficielles". Le Peloton de gendarmerie de haute montagne (PGHM) est intervenu à pied pour évacuer la victime, afin qu’elle puisse être prise en charge par les sapeurs-pompiers jusqu’au centre hospitalier de Briançon, explique la préfecture.

"Prostré dans la neige pendant plus de deux heures"

Pendant ce temps, un quatrième jeune qui avait réussi à prendre la fuite a chuté. "Il a sauté en contre-bas dans la pente et s’est pris le pied dans quelque chose. Il s’est blessé au tibia. Il est resté prostré dans la neige pendant plus de deux heures pour ne pas se faire attraper. Il a fini par rejoindre une route où des automobilistes l’ont secouru. Il avait des gelures aux pieds et marchait difficilement", indique Tous Migrants. Ce dernier n’a pas été interpellé.

À cet endroit précis, la piste ne se trouve pas sur une arrête, mais elle est assez raide, précise Tous Migrants : 'Il n’est jamais recommandé de courir dans le noir en pleine montagne".

Les passages de frontières par ces routes sont dangereux, notamment l'hiver, précise Isabelle Lorre, coordinatrice du Programme migration frontière transalpine de Médecins du Monde : "De nuit il n’est pas facile d’identifier où aller, les personnes peuvent chuter et les risques d'hypothermie et de gelures sont quotidiens". "Certains s’imaginent qu’ils peuvent emprunter les mêmes chemins qu’en été mais il commence à faire très froid et il y a des sols très verglacés par endroits", poursuit-elle.

Des interpellations risquées en haute montagne

Après l’incident, les associations ont averti la préfecture des Hautes-Alpes et la direction départementale de la police aux frontières (DDPAF) sur la dangerosité des poursuites avec les forces de l’ordre et l'impact sur la santé physique et psychique des personnes dans "ce contexte particulier qu’est la haute montagne, surtout quand il y a de la neige et qu’il fait nuit", fait savoir Isabelle Lorre. "Les forces de l’ordre doivent pouvoir être identifiées facilement et faire preuve de sécurité et de prudence", estime-t-elle, tout en rappelant qu’il y a déjà eu des morts, notamment avec des courses poursuites.

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"Certaines pratiques d’interpellation des personnes peuvent présenter des risques qui sont aggravés lorsqu’elles ont lieu sur un terrain de montagne accidenté et dangereux, de surcroît dans des conditions climatiques souvent difficiles", rappelle Tous Migrants dans un livret de prévention édité à destination des autorités. "Dans ce cadre, les pratiques dangereuses pour intercepter les personnes migrantes telles que les techniques de repérage, de camouflage, ou de ruse, qui mènent à des guets-apens ou des chasses à l’homme, vous exposent à des poursuites pour mise en danger."

Pour sa part, la préfecture affirme que "les forces de sécurité et de secours ont agi en respect des règles de déontologie et d’exercice de leur métier". Elle explique que ce sont "les filières d'immigration clandestine qui mettent en danger des personnes fragiles, en les incitant à emprunter des itinéraires dangereux et à se soustraire aux contrôles légitimes mis en place à la frontière".

Plus haut, plus loin, plus dangereux

Deux des migrants interpellés ce soir-là ont d’ailleurs été acheminés au poste frontière de Montgenèvre, indique la préfecture. L’un d’entre eux a retenté la traversée le lendemain après avoir été refoulé, avec succès cette fois, indique Tous Migrants. De l’avis de l’association, ces pushbacks "ne servent à rien", étant donné que les migrants réitèrent les tentatives de passages. "Ils [les pushbacks] mettent en danger la vie de ces personnes car les fois suivantes elles tentent de passer plus haut, plus loin, en empruntant des voies plus dangereuses."

Avec l’arrivée du froid, et de l’hiver, les tentatives de traversées sont nombreuses dans la zone de Briançon. Des familles iraniennes, afghanes, parfois accompagnées d’enfants et de personnes âgées, empruntent ces chemins de migration, ainsi que de jeunes migrants d’Afrique subsaharienne.

En parallèle, la France a renforcé ses contrôles à la frontière italienne ces dernières semaines, avec notamment quelque 500 agents supplémentaires, après les tensions diplomatiques avec l’Italie au sujet de l'accueil des rescapés de l'Ocean Viking.

 

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