La Coupe du Monde au Qatar a mis sur le devant de la scène une nouvelle génération de joueurs. Certains d'entre eux sont issus de l'immigration et brillent sur la scène mondiale avec le maillot de leur pays d'adoption, pour pourquoi pas, atteindre le graal en soulevant le trophée Jules Rimet le 18 Décembre prochain. Parmi eux, le footballeur Allemand d'origine Camerounaise Youssoufa Moukoko, qui veut marquer l'histoire avec la sélection déjà quadruple championne du monde. Focus sur l'une des étoiles montantes du ballon rond, dont le parcours n'a pas été des plus aisés.
23 Novembre dernier. Stade Khalifa International de Al-Rayyan. 89ème minute de jeu. Avec son numéro 26 sur le dos, le brillant gaucher Youssoufa Moukoko remplace Serge Gnabry et bat, à 18 ans et 3 jours, le record du plus jeune joueur de l'histoire de l'équipe d'Allemagne de football à disputer un match de coupe du monde. Le prodige du Borussia Dortmund entre dans l'histoire de la plus grande compétition du ballon rond, et même si son équipe s'incline face aux surprenants Japonais (1-2), le talentueux milieu offensif se montre encore un peu plus aux yeux de la planète football.
Mais malgré son sourire juvénile et son visage d'adolescent, le parcours de Youssoufa Moukoko a été un chemin semé d'embûches, et sa réussite actuelle est le fruit d'une bataille acharnée pour construire son et atteindre ses rêves de footballeur.
Né à Yaoundé en Novembre 2004, Youssoufa a trois autres frères et sœurs, dont s'occupe leur mère, Marie, qui est la cheffe du foyer car le père, Joseph, vit la plupart de l'année en Allemagne, après avoir obtenu un travail en Europe. "Mon père me manquait chaque jour où il n'était pas avec nous, et j'ai beaucoup pensé à lui et aux sacrifices qu'il faisait pour nous tous, car vivre seul en Europe, loin de sa famille, pour subvenir aux besoins des siens, c'est quand même très, très pesant, c'est une énorme responsabilité et il l'a toujours fait avec beaucoup d'amour et de soutien, malgré la distance", se souvient Youssoufa.
>> À (re)lire : Football : de Bissau à Poltava en Ukraine, les routes sinueuses du succès d'Amilcar Djau Codjovi
Il joue dans son quartier avec ses amis, et rêve d'un destin à la Samuel Eto'o, l'idole de tout un peuple, et qui a amené les Lions Indomptables deux fois sur le sommet de l'Afrique, en remportant la Coupe d'Afrique des Nations (CAN) dans les années 2000. "On jouait avec le sourire, plein d'insouciance, avec des étoiles dans les yeux, et on se mettait à rêver de destin merveilleux, et de devenir la prochaine star du continent à briller sur la scène mondiale" précise-t-il.
Il traverse les épreuves les unes après les autres, ayant en ligne de mire l'Europe, et son rêve de footballeur chevillé au corps. Son père essaye à plusieurs reprises de le faire venir avec le reste de sa famille pour le rejoindre en Allemagne, en vain. Malgré la dureté de la situation, la force mentale de Youssoufa le démarquait déjà. "J'ai vite senti que mon fils avait une force de caractère largement au-dessus de la moyenne, non seulement dans la manière dont il gérait les situations malgré son très jeune âge, mais aussi par son envie incessante de viser la Lune, même lorsque le ciel était rempli de nuages sombres", se souvient aujourd'hui son père Joseph. "J'ai essayé très longtemps de les faire venir en Europe, ça a été une bataille de tous les instants. Et les années qu'il a vécu au pays et ces épreuves ont fait de lui, je le pense, quelqu'un de prêt à relever chaque défi", poursuit-il.
Le petit Youssoufa devient l'attraction des quartiers de Yaoundé du haut de ses 8 ans, et martyrise les défenses lors des tournois de jeunes organisés aux quatre coins de la ville. Mais le quotidien n'est pas des plus faciles, et lui et sa famille, toujours en attente d'un signe de Joseph et d'un visa pour rejoindre l'Allemagne, continuent de se battre pour obtenir enfin une vie meilleure. Le temps est long, mais un jour de printemps 2014, la porte s'ouvre, et une nouvelle étape du fabuleux destin de Youssoufa Moukoko est atteinte : le club Allemand de Sankt Pauli, situé en banlieue de Hambourg, décidé de le faire venir pour qu'il intègre le centre de formation du club.

Brûler les étapes pour atteindre ses rêves
La première étape du rêve du jeune prodige du football prend forme. Dans le Nord de l'Allemagne, et à seulement 11 ans, il évolue déjà avec l'équipe des moins de 15 ans de la formation Hambourgeoise. Il redouble d'efforts et empile les buts pour devenir la sensation régionale, et sa réputation commence à attirer l'attention des grandes écuries de Bundesliga, la première division. "On a rapidement senti la convoitise arriver, et au bout de quelques semaines après son arrivée en Allemagne, Youssoufa était déjà sur les tablettes de formations comme Hambourg, le Borussia Dortmund mais aussi le grand Bayern Munich", raconte son oncle et proche conseiller, François Nthiam.
"On a dû le protéger de toute cette attention, et faire des choix pour que Youssoufa soit dans les meilleures conditions possibles. Et il a toujours gardé la tête froide, il n'a jamais pris les choses pour acquises, et je pense qu'il savait déjà que son destin serait celui de devenir une étoile du football mondial".
L'année suivante, il est transféré au Borussia Dortmund, connu pour sa formation et sa politique de promotion des jeunes talents venus des quatre coins du monde. Youssoufa est un pré-adolescent, et déjà pressé. Il évolue avec les moins de 15 ans, puis les moins de 17 ans à seulement...12 ans et demi ! Sa précocité attire l'attention de nombreux médias, mais le jeune gaucher reste concentré.
"Sincèrement, j'ai joué avec une très grande partie des meilleurs jeunes du pays, mais Youssoufa a toujours été le plus déterminé de tous, le plus travailleur. Il a un talent fou, mais il a vite compris que pour réussir, il fallait mettre les bouchées doubles, tout le temps. Lorsque l'on est un phénomène, on a une "cible" sur le dos, et cela peut susciter la jalousie des autres. Il a toujours bossé dur, il a toujours eu cet état d'esprit de gagnant et de travailleur. Aujourd'hui, il en récolte les fruits", sourit Hans Zigger, son ancien coéquipier au centre de formation du Borussia.
>> À (re)lire : Musa Barrow, le "Cristanio Ronaldo gambien" qui évolue en Italie
Le jour de ses 15 ans, il signe un contrat de 10 millions d'euros avec Nike, et devient le plus jeune joueur à signer un contrat de sponsoring avec une marque de sport. Mais la vague Moukoko continue de prendre de l'ampleur : en novembre 2000, à l'âge de 16 ans et 1 jour, il devient le plus jeune joueur de l'histoire à évoluer en première division allemande, et joue 5 minutes face au Hertha Berlin. "Tout s'est vite enchainé, et même si j'en rêvais, je ne pensais pas que tout cela puisse arriver aussi vite", précise Youssoufa. "Je suis en train de vivre, la vie que j'ai rêvée, mais je suis aussi conscient que le meilleur est à venir, à tous les niveaux. Je veux devenir l'un des meilleurs de l'histoire, et atteindre tous mes objectifs".
Après un début d'exercice 2022-2023 et 8 buts en championnat, il réussit à intégrer la liste des 26 joueurs convoqués par le sélectionneur Hans Flick qui va tenter de remporter pour l'Allemagne une cinquième coupe du monde.