La traversée de la Méditerranée reste la route migratoire la plus meurtrière au monde. InfoMigrants a compilé une liste de conseils et d’adresses utiles pour les parents et les proches des personnes disparues sur la route de l'exil.
Selon le projet "Migrants disparus" (Missing migrants) de l'Organisation internationale pour les migrations (OIM), la traversée de la Méditerranée centrale vers l'Europe est la route migratoire la plus meurtrière au monde. Au moins 20 218 personnes y ont perdu la vie depuis 2014.
En 2022, l'OIM a ainsi enregistré près de 2 000 migrants morts ou disparus en mer Méditerranée. Dans la majorité des cas, les personnes ne sont pas identifiées et les corps ne sont jamais retrouvés, rendant le processus de deuil pour les familles et les proches encore plus difficile et douloureux.
Dans les pays du Maghreb, certaines familles organisent des funérailles pour leurs proches disparus et présumés morts afin de pouvoir avancer dans leur vie et mettre fin aux doutes. Car pour chaque migrant disparu se pose pour leurs proches la même question : sont-ils morts ou encore vivants ?
Le droit de savoir
Le Pacte mondial pour des migrations sûres, ordonnées et régulières conclu sous l’égide l’ONU mentionne un "droit de savoir" et engage les États à "identifier les personnes décédées ou portées disparues, et à faciliter la communication avec les familles concernées."
"Cela signifie que les États doivent prendre toutes les mesures appropriées pour rendre compte des personnes portées disparues et fournir toute information dont ils disposent aux familles", précise Merna Abdelazim, analyste de données à l’OIM.
Les Etats signataires du Pacte se sont ainsi engagés à rechercher et rapatrier les morts, à collecter des informations avant l'enterrement des restes, et à garantir la possibilité d'identifier les corps retrouvés.
Malheureusement, de nombreuses familles concernées ont peur de s'adresser aux autorités, que ce soit à cause de leur propre statut migratoire ou du caractère irrégulier de la route empruntée par leurs proches disparus.
"Un séjour non autorisé est considéré comme un délit administratif dans la plupart des pays et ne devrait pas constituer un obstacle au droit de savoir", note Merna Abdelazim.
Si vous êtes à la recherche d'un être cher disparu, il existe des ressources pour vous aider et vous organiser. Des organisations peuvent également vous apporter un soutien moral dans cette épreuve.

Comment débuter la recherche ?
- Boats4People (B4P) propose un guide à l'intention des familles à la recherche de personnes disparues sur la traversée vers vers Italie. Ce guide vous indique notamment les premières démarches à suivre selon votre cas. Il permet ainsi de rassembler dans un premier temps les informations sur votre proche et son voyage. Il vous indique également ce dont vous avez besoin pour signaler la disparition aux autorités.
"Réunir les informations disponibles sur la personne recherchée et son voyage est la première étape des recherches. Il faut le faire le plus rapidement possible car certaines informations ou personnes sont plus difficiles à retrouver avec le temps", rappelle Boats4People.
Ce guide, disponible en français, italien anglais, arabe et tigrigna, répertorie les informations, les documents nécessaires et les détails de son voyage dont vous aurez besoin pour signaler la disparition d'un être cher aux autorités italiennes.
La version en français est disponible à cette adresse : https://boats4people.org/wp-content/uploads/2017/05/B4P.Guide_.Familles_FR-V2.pdf
- Le rapport de l'OIM sur les expériences des familles de migrants disparus
76 familles de migrants disparus en Éthiopie, au Royaume-Uni, en Espagne et au Zimbabwe ont partagé leurs expériences de deuil dans ce rapport que vous pouvez retrouver à cette adresse :
https://publications.iom.int/books/families-missing-migrants-their-search-answers-and-impacts-loss
Le chapitre 2 explique en détail comment ces familles ont exploité diverses sources d’informations, comme les réseaux familiaux et la diaspora, les passeurs, les réseaux sociaux, les Etats et les organisations humanitaires.
Les familles ont souvent eu recours à une combinaison de sources. Leurs expériences peuvent servir d’exemple pour organiser votre propre recherche.
Qui peut aider ?
- Les collectifs de familles
Des études menées par l’OIM ont montré que lorsque les autorités d’un pays tardent à réagir et bloquent l’avancée d’une recherche, les familles peuvent s’appuyer sur des réseaux informels comprenant d'autres migrants, des militants et des associations locales.
"Il arrive que des familles de disparus se réunissent et forment une association ou un collectif pour mettre en commun leurs ressources morales et matérielles", explique Merna Abdelazim de l'OIM.
Ces collectifs permettent notamment d’organiser des voyages dans les pays où des proches ont disparu, financent ensemble des avocats ou des enquêteurs ou mettent simplement leurs informations en commun.
Au-delà des aspects pratiques, "les associations de familles aident à trouver du réconfort. Seule une mère qui a perdu son enfant peut ressentir et s'identifier à une autre mère qui a perdu son enfant dans des circonstances similaires", explique Merna Abdelazim.
L'OIM appelle d’ailleurs les Etats à s'inspirer de l'expérience de ces associations de familles pour améliorer leurs protocoles de gestion des disparitions.
*Le Collectif d’Annaba des familles harraga
En arabe algérien, "harraga" désigne celui ou celle qui "brûle les frontières", et émigre sans papiers.
Ce collectif a été créé par un groupe de parents après la disparition de leurs enfants en mer entre 2007 et 2008. Ensemble, les familles ont reconstruit une liste de passagers qui se trouvaient à bord d’une série d’embarcations.
L'association Missing at the Borders a suivi ce groupe et publié des photos de certains migrants disparus.
L'avocate Kouceila Zerguine a travaillé avec le Collectif pour déposer des plaintes et faire appel au Groupe de travail des Nations Unies sur les disparitions forcées ou involontaires.
Voici des contacts auprès du Collectif d’Annaba :
Kamel Belabed, porte-parole : + 213 558 805 673, + 213 661 570 220, photocompos@gmail.com
Kouceila Zerguine, avocat : + 213 790 204 412, + 213 385 857 78, zerguine-kouceila@hotmail.fr
- Association marocaine des droits humains (AMDH) - Section Nador
L'AMDH Nador gère la page Facebook "Migrants morts ou disparus au Maroc", où elle publie des informations sur les personnes décédées ou disparues et aide les familles à partager des informations sur les réseaux sociaux.
Si vous connaissez quelqu'un qui a disparu pendant son voyage près de Nador ou pendant la traversée de Nador vers l'Espagne, vous pouvez contacter l'AMDH Nador.
AMDH Nador est sur Facebook : www.facebook.com/AmdhNador
- Association La Terre pour Tous
La Terre pour Tous (à ne pas confondre avec l’association française Une Terre pour Tous) a été créée par des familles de migrants originaires de Tunisie ayant disparu pendant leur traversée de la Méditerranée vers l'Europe. Le Terre pour Tous conseille et propose des informations utiles.
Elle est présente sur Facebook : https://www.facebook.com/laterrepourtous
Vous pouvez contacter l’association par mail : association_laterrepourtout@yahoo.com
- Centre international pour l'identification des migrants disparus (CIPIMD)
Le Centre International pour l'Identification des Migrants Disparus (CIPIMD), basé à Malaga, répond aux demandes des familles pour rechercher, trouver ou identifier leurs proches. En espagnol, l’organisation s’appelle "El Centro Internacional para la Identificación de Migrantes Desaparecidos".
Grâce à un réseau de collaborateurs en Espagne, au Maroc, en France, au Royaume-Uni, en Belgique et en Suisse, le CIPIMD vise à faciliter l'identification des personnes décédées ou disparues et à établir une base de données.
Vous pouvez remplir ce formulaire en ligne pour fournir au Centre des informations sur votre proche disparu :
https://cipimigrantesdesaparecidos.org/aviso-de-busqueda/
- Caminando Fronteras
Caminando Fronteras offre un soutien aux migrants et à leurs familles. Lorsque l’ONG reçoit des appels de détresse de migrants, elle alerte les autorités maritimes d'Espagne, du Maroc et d'Algérie. Elle fournit également un soutien juridique, social et sanitaire aux migrants.
Caminando Fronteras aide notamment les familles des migrants au Maroc qui ont péri dans le drame de Trajal en 2014 à engager une action en justice contre la police espagnole.
https://www.frontlinedefenders.org/en/profile/caminando-fronteras
- Réseau Milano senza Frontiere
Ce réseau de militants et d'associations de Milan, en Italie, organise depuis 2015 une marche pour les "nouveaux disparus" tous les premiers jeudis du mois. Lors des marches, les militants arborant des photos de migrants morts ou disparus envoyées par les familles au réseau. Après Milan, la marche se déroule désormais dans d'autres villes en Italie et en Europe.
Le calendrier des manifestations est disponible sur la page Facebook de l’organisation : https://www.facebook.com/milanosenzafrontiere/
- Carovane Migranti
Carovane Migranti organise depuis 2014 des grandes manches annuelles réunissant des familles de migrants disparus en tentant de rejoindre l’Italie. L’enjeu est d’attirer l’attention des pouvoirs publics et de la justice sur ces drames.
Si vous connaissez une personne disparue au cours de son voyage vers l'Italie, entrez en contact avec Carovane Migranti par le biais de leur site web :
https://carovanemigranti.org/contattaci/
- Croix-Rouge / Croissant-Rouge / CICR
La Croix-Rouge, le Croissant-Rouge et le CICR aident les familles du monde entier à rechercher leurs proches disparus dans le contexte de conflits armés, de catastrophes naturelles mais aussi de migrations.
Grace au service appelé "Rétablissement des liens familiaux" (RLF), les familles peuvent contacter les bureaux de ces organisations dans leur pays de résidence pour obtenir de l'aide.
https://www.icrc.org/fr/nos-activites/retablissement-des-liens-familiaux
Aussi, l’outil de recherche en ligne du CICR "Trace the Face", aide à "rétablir le contact entre des familles séparées lors de leur migration vers l’Europe ou après être arrivées en Europe. Le site permet aux migrants de pouvoir signaler qu’ils cherchent des proches en publiant leurs photos en ligne".
Nb : Cette liste d'organisations qui aident dans la recherche de personnes disparues n'est pas exhaustive.