Le Checkpoint est une clinique de santé sexuelle dans le centre de Paris, spécialisée dans la santé des communautés LGBTQ+. Le centre est ouvert aux migrants, même s'ils n'ont pas de couverture de santé, avec ou sans rendez-vous, du lundi au samedi.
Où aller quand on est une personne LGBTQ+ migrante avec ou sans carte vitale ni mutuelle, et que l’on a besoin de s’occuper de sa santé sexuelle à Paris ? Dans la capitale comme ailleurs en France, on peut toujours se rendre dans un centre gratuit d’information, de dépistage et de diagnostic (CeGIDD) sans couverture de santé, ou au centre "Checkpoint", qui propose une offre spécialisée pour les communautés LGBTQ+ et les personnes vulnérables. On peut y consulter un médecin, être vacciné ou encore se voir délivrer un traitement.
En plus de leur local parisien, les équipes du Checkpoint se déplacent aussi en CADA et HUDA pour dépister les exilés qui s’y trouvent et les conseiller sur leur santé. Sur 139 personnes consultées depuis 2021, 70 étaient testées pour la première fois pour le VIH et les hépatites. Le taux de positivité pour les hépatites pour cet échantillon était trois fois supérieur à la moyenne nationale.
InfoMigrants a interrogé Hannane Mouhim et Amélia Viguier, responsables au Checkpoint du programme en CADA/HUDA.
InfoMigrants : Quelle est la mission du Checkpoint Paris?
L'objectif Checkpoint Paris est de lutter contre les inégalités sociales de santé. Les personnes qui vont en premier lieu accéder aux offres de santé, ce sont des personnes qui sont mieux insérées socialement, qui maîtrisent l'accès à la santé et qui n'ont pas de difficultés, qui connaissent également leurs droits et qui ont souvent leurs droits ouverts.

Ici, on applique l'universalisme proportionné. C'est-à-dire, repérer les critères de vulnérabilité et faire plus pour ceux qui en ont le plus besoin. Je vous donne des exemples très concrets. On va attacher une importance particulière à une personne qui n'a pas de couverture sociale si elle a raté un rendez-vous, à la rappeler, à être sûr qu'elle a compris l'intérêt de la vaccination — si elle n'est pas venue se faire vacciner. Si une personne sans couverture sociale vient sans rendez-vous, et qu’on n'a plus de place, on va quand même se débrouiller pour la caser parce qu'on sait que pour elle, pour eux, c'est plus compliqué. Typiquement, une personne migrante qui vit dans un CADA, un HUDA, demandeuse d'asile et qui fait une heure et demi de transport pour venir au Checkpoint, ce n'est pas pareil que quelqu'un qui habite le 11ᵉ arrondissement de Paris et qui a pris le métro pour venir.
Quelle offre de santé peut-on trouver au Checkpoint ?
L'offre de santé, c'est évidemment du dépistage et du traitement quand il y a des infections sexuellement transmissibles pour la syphilis, les chlamydia, les gonorrhées, il y de la vaccination pour l'hépatite B, pour l'hépatite A, pour le papillomavirus. Et on peut avoir le Traitement en Post-Exposition (TPE) [un traitement pour empêcher la contamination au VIH juste après une prise de risque, ndlr]. Si un rapport sexuel n'est pas protégé ou mal protégé, les personnes peuvent venir dans les 48 heures suivantes, sans rendez-vous, pour avoir accès à ce traitement-là. Et le Traitement Post-Exposition, on le donne aussi aux personnes qui n'ont pas de couverture sociale. On va leur remettre les comprimés pour un mois. On va les vacciner et les traiter si besoin. Et on fait également la délivrance de la PrEP, avec ou sans couverture sociale. La PrEP, c'est un médicament qui permet de se protéger du VIH, que l’on prend avant un rapport sexuel et après un rapport sexuel. Cela protège du VIH aussi bien que le préservatif, voire mieux quand on prend son traitement selon les indications médicales.
On a également des consultations spécialisées. On a un médecin sexologue dans l'équipe, un addictologue, et un médecin qui fait des consultations de gynécologie pour les personnes trans et pour les femmes qui ont des relations sexuelles avec des femmes. On a une psychologue et un psychiatre dans l'équipe. On a également mis en place un parcours de santé trans avec des médiateurs qui sont concernés et avec un médecin généraliste qui fait de la prescription hormonale pour les personnes qui souhaitent transitionner en prenant des hormones.

Quelles sont les obstacles à l’accès à la santé pour les personnes exilées, et en particuliers pour les personnes exilées LGBTQ+ ?
Les personnes en situation de précarité, les demandeurs d'asile et toutes les personnes qui sont au croisement de différentes vulnérabilités et discriminations vivent dans l'urgence. Elles vont consulter au moment où elles ont trop mal. La douleur fait partie d'un quotidien, que cela soit dans le travail ou dans la vie en général. Elles composent avec, et vont consulter quand ça devient insupportable. Donc c'est souvent pour ça aussi que les personnes consultent tardivement, donc à des stades avancés dans les différentes pathologies qu’elles peuvent avoir.
Elles sont aussi tenues à l'écart des dispositifs médicaux et d'accès à la santé et n'ont pas forcément connaissance des moyens de prévention qui existent, ni de la façon de se les procurer.
Il y a aussi la question des droits, les personnes n’en ont pas toujours connaissance. Pour accéder à l’AME [l’Aide Médicale d’Etat, la couverture santé offerte aux personnes migrantes après trois mois en situation irrégulière et précaire], il y a un délai de carence qui fait qu’une personne qui a besoin d'aller consulter un médecin n’a pas forcément ses droits ouverts, donc il faut qu'elles passent par des PASS, dans les hôpitaux, qui sont débordés.
Un des problèmes que vous pointez du doigt c’est le “renoncement aux soins,” qu’est-ce que c’est ?
C'est le fait d'avoir le droit d’accès à une offre de soins et d'y renoncer parce que c'est trop compliqué, parce qu'on est discriminé. Je vous donne des exemples. On nous dit : 'Tous ces étrangers viennent en France pour profiter'. Mais combien y a-t-il de personnes qui ont le droit à l'AME et qui ne font pas valoir ce droit ? Je prends l’autre exemple des patientes lesbiennes qui nous disent : 'Moi, ça fait 10 ans que je ne vais pas chez le gynéco, parce que la dernière fois que j’y suis allée, je me suis pris dans la tête des propos sexistes, des propos homophobes'. Elles se disent que c'est trop violent et n'y vont plus.
Deux choses posent problème : le renoncement aux soins, dont les soignants et les soignantes sont aussi responsables — je le dis de manière assumée, je suis soignante -. Et les politiques de santé. Ce ne sont pas les personnes qui sont responsables du fait de renoncer aux soins. Elles le font parce qu'elles sont discriminées, parce qu'elles sont éloignées du soin.
Et il y a une autre chose qui est intolérable dans notre système de santé, c'est le refus de soins, qui existe. C’est le fait de ne pas prendre en charge l'AME, de ne pas prendre en soin des personnes séropositives au VIH, de ne pas prendre soin des travailleurs du sexe. De ne pas prendre en soin des personnes racisées. De ne pas prendre en soin des personnes LGBT. Tout ça existe, il faut qu'on en parle et il faut qu'on change. [Le refus de soins discriminants est illégal, ndlr.]
Qu’est-ce qui est important de savoir pour des personnes migrantes qui nous lisent?
Toute personne, qu'elle ait une couverture sociale ou non, est la bienvenue et a accès à toutes les offres de santé du Checkpoint. Ce qui est important de savoir quand on est une personne exilée, c'est que le refus de soins discriminatoires est interdit. Les soignants se doivent de recevoir toutes les personnes, qu’elles aient une couverture sociale ou non, qu’elles soient racisées ou pas, LGBT ou pas.
Le Checkpoint Paris est situé au 13 rue d'Alexandrie, 75002 Paris. Il est ouvert du lundi au vendredi de 9h à 21h et le samedi de 10h à 19h. Vous pouvez vous y rendre avec ou sans rendez-vous. Vous pouvez trouver plus d'informations sur leur site.