Plus de 4 200 personnes ont été interceptées par les autorités libyennes, selon le Haut-commissariat des Nations unies aux réfugiés (HCR), lors du premier trimestre 2023. Un chiffre similaire à l'année dernière à la même période. Les migrants récupérés en mer sont envoyés dans les prisons libyennes où ils subissent tortures, exactions, violences sexuelles et travail forcé.
Selon le dernier rapport d’activité du Haut-commissariat pour les réfugiés (HCR), durant le premier trimestre 2023, les autorités libyennes ont intercepté plus de 4 200 personnes tentant de rejoindre l'Europe via la traversée de la mer. L'an dernier à la même période, on comptait près de 3 500 migrants récupérés en Méditerranée par les garde-côtes libyens.
Et ce bilan intervient alors qu’en mars, le Conseil européen a renouvelé pour deux ans son soutien financier et matériel aux autorités libyennes. Dans le cadre de cet accord, l’Union européenne (UE) forme les garde-côtes et leur fournit des navires dans le but d'empêcher les migrants de rejoindre l’Europe.
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Un accord régulièrement critiqué par les ONG et les instances internationales. Fin mars, l'ONU estimait que le soutien de l'UE aux Libyens "a aidé et encouragé la commissions des crimes contre l'humanité" perpétrés contre les migrants en centres de détention.
La Commission européenne s'était, elle, défendue, en affirmant que l'argent alloué servait à "couvrir les besoins des personnes qui se trouvent en Libye, à la fois les migrants mais aussi les communautés d'accueil qui sont affectées par cette situation". "Bien sûr, il y a des incidents. Il y a des problèmes qui sont une source d'inquiétude. Nous essayons de les résoudre avec les partenaires en Libye, avec les partenaires internationaux", avait ajouté son porte-parole.
Deux ans plus tôt déjà, Amnesty international avait affirmé que l’Union européenne était "complice" des atrocités subies par les migrants arrêtés en mer et envoyés en détention. Selon l'ONG, le soutien aux garde-côtes libyens contribue aux "terribles violations" commises "depuis une décennie" sur les exilés.
Abus sexuels et esclavage
Lorsque les migrants sont interceptés en Méditerranée, ils sont en effet transférés dans des prisons du pays, où les atteintes au droit y sont légion. Dans ces centres, les exilés sont victimes de tortures, de violences sexuelles, d’extorsion de fond ou encore de travail forcé.
À la date du 9 avril, le HCR estime que 4 261 personnes y étaient enfermées.
Depuis des années, InfoMigrants recueille régulièrement des témoignages de migrants faisant état de violences dans ces structures. Alpha, un Guinéen, avait confié en 2019 à la rédaction que des gardiens lui avaient tiré sur ses pieds alors qu’il tentait de s’échapper du centre de détention.
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Les femmes sont quant à elles la cible de viols répétés. "Tous les jours, les gardiens viennent chercher des femmes dans les cellules, et les emmènent à l’extérieur. Ils nous violent devant les autres hommes. On les entend rire et se moquer en arabe, car ils savent qu’après ce sera leur tour de nous passer dessus", nous expliquait en 2021 Aminata, une Ivoirienne, dont le dernier enfant est le fruit d’une agression sexuelle commise dans une prison libyenne.
Tirs contre des migrants en mer
Les garde-côtes libyens sont aussi accusés de violences envers les bateaux humanitaires qui sillonnent la Méditerranée ou à l'encontre des exilés entassés dans des canots de fortune.
Dernier fait en date : samedi 25 mars, l’Ocean Viking révélait avoir été menacé par des Libyens en pleine mer. Ceux-ci ont tiré des coups de feu en l’air pour empêcher le navire de SOS Méditerranée de porter secours à une embarcation en détresse. Plusieurs ONG de sauvetage ont connu le même sort ces dernières années.
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Des migrants eux-mêmes ont essuyé des tirs des forces libyennes en mer, alors qu'ils tentaient de leur échapper. En février 2022, un exilé a perdu la vie et trois ont été blessés après avoir été visé par des garde-côtes libyens armés. L’agence onusienne avait à l'époque réclamé une enquête pour faire la lumière sur cet "incident" et sanctionner les responsables. Mais à ce jour, aucune information judiciaire n'a été ouverte.
Depuis 2016, date du premier accord entre l’Italie et la Libye, plus de 130 000 personnes ont été interceptées en mer et renvoyées en Libye. Dans le même temps, près de 15 000 exilés ont péri en Méditerranée centrale en essayant de rejoindre l’Europe. Cette route migratoire demeure la plus meurtrière au monde.