Depuis 2018, l’État français mène une vaste politique de lutte contre l’immigration à Mayotte. Ainsi, de nombreuses mesures d’exceptions ont été mises en place depuis plusieurs années, faisant de l’île un territoire français avec un droit particulier pour les étrangers. Décryptage.
À Mayotte, du fait de l’immigration venant principalement des Comores et du départ massif des Mahorais, une personne sur deux est étrangère dans ce département d’Outre-mer, selon une étude de l’Insee en 2017. Pour faire face à ce phénomène migratoire, les autorités françaises ont opté pour une approche inédite, faisant de ce territoire un cas à part dans l’hexagone.
C’est d’abord la loi asile immigration de 2018 qui a durci localement les conditions d’obtention de la nationalité française, d’un titre de séjour ou de l’asile. Ensuite, de nombreux décrets publiés au fur et à mesure des gouvernements successifs sont venus durcir cette législation.
Le droit du sol limité
En métropole, tout enfant né de parents étrangers sur le territoire français peut automatiquement obtenir la nationalité française à partir de 18 ans s’il a vécu au moins cinq ans en France. Ce n’est pas le cas à Mayotte. Ici, une personne étrangère née sur l’île devra prouver qu’au moins un de ses parents vivait sur place de manière régulière au moins trois mois avant sa naissance.
Cette mesure d’exception sur le droit du sol, qui n'existe que dans ce département, est en vigueur depuis 2018 mais était déjà discutée depuis de nombreuses années. Sa mise en place a été longue car la mesure était jugée inconstitutionnelle par beaucoup. Elle a toutefois été rendue possible par une décision du Conseil constitutionnel de septembre 2018, estimant que Mayotte était dans "une situation particulière" et qu’il était donc possible "dans une certaine mesure" de modifier des lois aussi importantes.
L’asile accéléré
Si une personne souhaite faire une demande d’asile à Mayotte, une antenne de l’Office français de protection des réfugiés et apatrides (Ofpra) a ouvert ses portes en octobre 2022 à Mamoudzou. Ainsi, les migrants doivent en premier lieu, depuis cette date, se présenter au GUDA (guichet unique pour demandeur d’asile) afin de s'enregistrer auprès des services de la préfecture.
En revanche, les demandeurs n’ont pas 21 jours, comme dans le reste de la France, pour déposer leur dossier en mains propres à l'Ofpra, mais seulement sept jours. Et ce afin de rendre le traitement des demandes d’asile plus rapides.
Le délai d’instruction des demandes d’asile est également accéléré. Il est fixé à 21 jours dans le département d'Outre-mer, avec la faculté pour l’Ofpra de le dépasser dans certains cas, contre environ six mois dans l'Hexagone.
En 2022, 4 020 demandes d’asile ont été déposées à Mayotte, selon l'agence. Une hausse de 8% par rapport à l’année précédente. Et 86% des demandes d’asile déposées à Mayotte ont été rejetées. "Le taux de protection était de 14,3%", précise l'Ofpra à InfoMigrants.
Un titre de séjour spécial
Pour les personnes qui ne peuvent demander l’asile, il est possible, comme dans les autres départements, de faire une demande pour un titre de séjour. En revanche, mis à part le titre de résident permanent (10 ans), les titres de séjours délivrés à Mayotte ne permettent pas de quitter le département, même pour se rendre dans un autre département français. Pour quitter l'île, il faut effectuer une demande de visa en préfecture.
Quelles aides ?
Les demandeurs d’asile ne peuvent pas prétendre aux mêmes aides que ceux de la métropole. À Mayotte, la loi remplace l’Allocation pour demandeur d’asile (ADA) par une possibilité d’aide matérielle sous forme de bons alimentaires d’une valeur d’un euro par jour (50 centimes étant ajoutés si un enfant accompagne le demandeur). Et ce pendant une durée de six mois, même si la demande d’asile est toujours en cours au delà de cette période.
"À mon arrivée, on m’a donné trois bons de 10 euros valables un mois. J’ai pu négocier les prix avec une boulangerie du coin. Pendant six mois, je n'ai mangé que du pain et de l’eau, j’ai perdu beaucoup de poids", racontait Amadou à InfoMigrants en février 2022.
Le Conseil d'État avait d’ailleurs estimé en 2021 que les autorités françaises avaient porté une "atteinte grave et manifestement illégale au droit d'asile", citant le cas d'une Burundaise vivant sans ressources avec son fils à Mayotte. L'État a l'"obligation" de faire bénéficier les demandeurs d'asile de "conditions matérielles d'accueil adaptées", et ce "jusqu'à ce qu'il soit définitivement statué sur leur demande", avait noté la plus haute juridiction administrative.
En ce qui concerne la santé, l’Aide médicale d’État (AME) n’existe pas dans le 101e département français, le plus pauvre du pays. Avec peu de médecine de ville, la plupart des soins sont promulgués au centre hospitalier de Mamoudzou. Et pour les personnes sans assurance, l’accès au soin y est conditionné au paiement d’un montant forfaitaire de 10 ou 20 euros.