Vous êtes arrivé au Royaume-Uni pour travailler comme aide de ménage, comme nounou ou employé de maison ? Vous pensez avoir été victime d'esclavage moderne ? Vous pouvez peut-être bénéficier d'une protection.
Les travailleurs domestiques étrangers au Royaume-Uni qui sont victimes d'abus peuvent demander à bénéficier d’une protection contre l'esclavage moderne.
Le mécanisme de référencement national des victimes d'esclavage moderne ou de traite au Royaume-Uni, connu sous l'abréviation de NRM (National Referral Mechanism) a été mis en place en 2009 par le gouvernement pour aider les personnes arrivées au Royaume-Uni avec un visa de travailleur domestique étranger (ODWV) ayant été exploitées par leur employeur.
Le NRM n'est ni un visa, ni un statut d'asile. Il s'agit d'un programme gouvernemental conçu pour apporter un soutien aux migrants cherchant à échapper à un employeur abusif.
Dans certaines circonstances, il peut également permettre aux personnes concernées de travailler temporairement.
Voici ce qu'il faut savoir sur le NRM.
Qu'est-ce que l'esclavage moderne ?
La traite des êtres humains, l'esclavage, la servitude et le travail forcé sont autant de formes d'exploitation qui relèvent de l'esclavage moderne.
La majorité des travailleurs domestiques étrangers qui en sont victimes disent avoir été emmenés au Royaume-Uni sans leur consentement ou assurent qu'ils ont été trompés.
Ils dénoncent des conditions de travail abusives, des permanences non payées, des retenues de salaire et le fait de ne pas être libres de leurs mouvements. D’autres citent des confiscations du passeport, du téléphone, un manque de nourriture ou différents types de violences, verbales, psychologiques, physiques ou sexuelles.
Quelles sont les étapes à suivre ?
Pour pouvoir bénéficier du mécanisme NRM, il faut d’abord entrer en contact avec l’une des 18 organisations ou autorités dites de premier secours, appelées "First responder organisations" au Royaume-Uni.
Huit d’entre elles sont gérées par le gouvernement, comme la police, certains services du ministère de l’Intérieur ou encore des autorités locales.
S’y ajoutent dix ONG habilitées par les autorités. La liste est disponible en suivant ce lien.
InfoMigrants s'est entretenu avec Kalayaan, l'une de ces dix organisations caritatives spécialisées dans les droits des travailleurs domestiques.
Dans la pratique, de nombreux migrants victimes d’esclavage moderne entrent d’abord en contact avec des organisations locales avant d’être orientés vers ces "First responder organisations".
InfoMigrants a rencontré des employées de maison originaires des Philippines qui sont d’abord allées chercher de l'aide auprès de l'Association des employées de maison philippines (FDWA).
Marissa*, une employée de maison philippine arrivée au Royaume-Uni en provenance du Qatar en 2018, raconte qu'elle devait s’occuper du ménage de deux propriétés pour un employeur violent.
"Je n'avais aucun jour de congé, je travaillais 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7", se souvient la jeune femme. "Je dormais à même le sol, et la nourriture qu'on me laissait se résumait à du pain, des œufs et de l'eau."
En 2019, elle a réussi à s'échapper et a été reconnue comme victime d’esclavage moderne à travers le mécanisme NRM.
Évaluation initiale
Des ONG comme Kalayaan mènent plusieurs entretiens avec les migrants concernés, en se concentrant sur des questions concernant leur voyage vers le Royaume-Uni, leur conditions de travail, leur employeur et les détails de leur fuite.
"Nous posons beaucoup de questions pour pouvoir faire une évaluation", explique Avril Sharp, de Kalayaan. "Les conditions de travail doivent se détériorer au point de devenir de l'esclavage pour que vous puissiez avoir accès aux protections (du gouvernement)".
Après les entretiens, ces organisations de premier secours décident ou non de transmettre le dossier au ministère de l’Intérieur dans le cadre du NRM.
Si un cas ne répond pas aux exigences du NRM, il reste la possibilité d'engager un avocat et de poursuivre l'employeur devant le conseil des prud’hommes britannique. La plupart des travailleurs domestiques assurent toutefois ne pas en avoir les moyens financiers.
Première décision
Si le dossier est renvoyé au ministère de l’Intérieur, une première réponse, appelée "décision fondée sur des motifs raisonnables", est rendue dans un délai d'environ cinq jours ouvrables. Cette première réponse peut être positive ou négative.
Il est possible de contester une décision négative en faisant appel. L’organisation de premier secours qui a mené l’évaluation initiale peut apporter son aide dans cette démarche. Il est ainsi conseillé de faire appel de toutes les décisions négatives.
Les travailleurs domestiques obtenant une décision positive ont, quant à eux, accès à une aide juridique, à un hébergement et à d'autres formes de soutien généralement assurées par l'Armée du Salut et par d'autres organisations caritatives.
Seconde décision
Après la première décision positive, il peut s'écouler jusqu'à deux ans avant que le mécanisme NRM ne rende sa seconde et dernière "décision fondée sur des motifs définitifs".
Des organisations comme Kalaayan estiment que ce délai est voué à s’allonger car de plus en plus de personnes se disent victimes d'esclavage moderne.
Lorsque la seconde décision est rendu, débute une nouvelle procédure. Le ministère de l’Intérieur détermine notamment la durée pendant laquelle la victime est susceptible de pouvoir rester au Royaume-Uni.
Cette durée dépend de facteurs comme les procédures judiciaires en cours, les demandes d'indemnisation ou d’autres circonstances personnelles.
"Le NRM n'est pas une voie vers une résidence au Royaume-Uni", souligne Avril Sharp. Il ne faut donc pas confondre l’autorisation souvent temporaire de rester au Royaume-Uni dans le cadre du NRM avec un statut de protection internationale ou d'asile.
Les victimes de l'esclavage moderne peuvent toutefois demander l'asile séparément et peuvent invoquer le risque d'être à nouveau victimes de l'esclavage après leur retour dans leur pays d’origine.
Le risque de redevenir victime de maltraitance et d'esclavage
Les délais des différentes réponses des autorités sont également importants, notamment concernant la possibilité de continuer à travailler au Royaume Uni pendant la durée de la procédure.
Si vous recevez une première décision positive au cours des six mois de validité de votre visa de travailleur domestique à l'étranger (ODWV), vous êtes autorisé à exercer un emploi en attendant la deuxième décision définitive.
En revanche, si vous recevez une première décision positive après les six mois de validité de votre ODWV, vous ne serez pas autorisé à travailler légalement en attendant la deuxième décision définitive.
Or, la plupart des travailleurs domestiques étrangers ne peuvent se passer d’un salaire.
Selon Avril Sharp de Kalaayan, de nombreux travailleurs migrants "finissent par être à nouveau maltraités et, dans certains cas, par faire l'objet d'un nouveau trafic."
"Ils finissent souvent par travailler dans l'économie informelle, où ils sont à nouveau soumis à un environnement hostile. Leur statut précaire les rend vulnérables aux employeurs peu scrupuleux qui cherchent à les exploiter."
*Le prénom a été modifié