Si votre demande d’asile a été rejetée et que vous avez de nouveaux éléments à présenter à l’Office français de protection des réfugiés et apatrides (Ofpra), vous pouvez demander à ce qu’elle soit réexaminée. Pour que votre demande de réexamen soit acceptée, elle doit remplir certaines conditions. InfoMigrants fait le point.
Vous avez demandé l’asile et votre demande a été rejetée, tout comme votre recours à la Cour nationale du droit d'asile (CNDA). Si vous avez de nouveaux éléments à faire valoir, vous pouvez faire une demande de réexamen.
Quels nouveaux éléments ?
Vous devez fournir de nouvelles preuves justifiant de l’impossibilité pour vous de rentrer dans votre pays. Il peut s'agir de nouvelles preuves des persécutions dont vous faites l’objet. Nouvelles, au sens où elles sont apparues après le rejet de votre première demande – qu’elles aient été produites ou bien que vous en ayez eu connaissance après. Cela peut être n’importe quel document administratif, photo, captures d’écran, enregistrement son ou vidéo.
Vous pouvez aussi rapporter vous-même, sur le formulaire de demande, des faits qui ont eu lieu après votre demande d’asile, ou dont vous n’aviez pas connaissance avant cela – auquel cas, vous devez expliquer pourquoi vous n’en aviez pas connaissance. "Il faut que le fait nouveau soit probant et qu’il augmente significativement les craintes justifiant une protection", insiste Gérard Sadik, juriste à La Cimade, joint par InfoMigrants.
Votre demande de réexamen peut aussi porter sur des faits qui ne sont pas nécessairement nouveaux, mais dont vous n’aviez pas pu, ou pas voulu, parler la première fois.
Par exemple, si vous n’aviez pas osé aborder des questions d’orientation sexuelle ou d’identité de genre lors du premier entretien, il est possible de soumettre une demande de réexamen pour ce motif, toujours en indiquant les raisons pour lesquelles vous n’en aviez pas parlé auparavant. "Pour cela, il faut expliquer pourquoi la personne était vulnérable lors de sa demande initiale. Cela peut être une absence de prise en charge sociale ou psychologique, le fait de vivre dans un milieu particulièrement LGBTphobe ou d’avoir découvert tardivement son homosexualité", explique Aude Le Moullec-Rieu, présidente de l’ARDHIS (Association pour la reconnaissance des droits des personnes homosexuelles et trans à l’immigration et au séjour), interrogée par InfoMigrants.
Les exilés LGBT qui ont déjà fait une demande d’asile fondée sur ce motif et qui en ont été déboutés peuvent aussi solliciter un réexamen. "En théorie, c’est quasi impossible", reconnaît la responsable associative, "sauf s’il y a un contexte de vulnérabilité qui montre pourquoi la personne s’exprimait difficilement". Il s’agit, là aussi, d’expliquer du mieux possible les causes de cette vulnérabilité.
Cela vaut pour tout autre motif pour lequel votre sécurité pourrait être menacée en cas de retour dans votre pays et dont vous n’auriez pas parlé lors de votre demande initiale - violences conjugales ou familiales, mariage forcé, par exemple.
Enfin, ces nouveaux éléments peuvent porter sur un changement politique dans votre pays : si depuis le rejet de votre demande d'asile, la situation politique et sécuritaire s’est dégradée, si un conflit armé a éclaté, l’Office français de protection des réfugiés et apatrides (Ofpra) peut la reconsidérer. "Cela a été le cas pour les Afghans en 2021, pour les Ukrainiens en 2022 et ça le sera probablement aussi pour les Soudanais", souligne Gérard Sadik.
Cas particulier
Si votre première demande a été rejetée sans entretien parce que vous n’avez pas pu vous y rendre, que vous n’avez pas fait de recours à la CNDA ou que vous n’avez pas pu y assister non plus, vous pouvez faire une demande de réexamen en expliquant votre situation, selon les explications de Gérard Sadik.
Si vous n’avez pas fait votre première demande d’asile de façon autonome, que vous n’étiez pas libre d’y écrire votre histoire, comme c’est le cas pour les victimes de réseaux de traite des êtres humains, il est aussi possible de faire un réexamen en détaillant cette situation.
Enfin, si un membre de votre famille ou un proche a obtenu une protection et que vos craintes sont liées à cette personne, vous pouvez solliciter un réexamen en joignant les documents nécessaires.
Quelle procédure ?
La procédure de réexamen est identique à celle de votre première demande. Vous devez appeler le numéro unique, obtenir un rendez-vous en structure de premier accueil pour demandeurs d’asile. Vous pourrez y retirer un formulaire de réexamen, à compléter et à renvoyer à l’Ofpra sous huit jours. En cas de demande incomplète, l’Ofpra vous accorde un délai de quatre jours pour y ajouter les éléments manquants.
L’Ofpra doit traiter votre demande en procédure accélérée et dispose de huit jours pour se prononcer sur sa recevabilité. "Dans les faits, les délais sont un peu plus long mais quand même assez proches de cela", observe Gérard Sadik.
Si l’Ofpra juge que les éléments écrits que vous avez apportés ne justifient pas un nouvel examen, votre demande sera déclarée irrecevable. Vous pouvez déposer un recours auprès de la CNDA pour en obtenir l’annulation, dans un délai d’un mois. Vous pouvez également solliciter l’aide juridictionnelle sous 15 jours.
Dans le cas où votre demande est déclarée recevable, vous serez convoqué pour un entretien semblable au premier que vous avez passé. Votre demande d'asile sera examinée à nouveau.
Quels droits lors d’une procédure de réexamen ?
L’Ofpra informera le préfet de sa décision et vous disposerez d’une autorisation provisoire de séjour (APS) d’un mois, renouvelable pour six mois.
Avant cela, le simple fait de faire une demande de réexamen ne donne pas droit à une APS. En effet, faire une demande de réexamen ne permet pas de se maintenir sur le territoire et l’État peut décider de votre expulsion à tout moment, au cours de la procédure. Celle-ci n'est pas suspensive d’une mesure d’éloignement.
Par ailleurs, la demande de réexamen ne permet pas de bénéficier à nouveau des conditions matérielles d’accueil (CMA). Cette décision de refus des CMA doit être écrite et motivée, selon la loi, et prend en compte la vulnérabilité du demandeur.
"Une procédure difficile"
Dans les faits, peu de demandes de réexamens débouchent sur une protection. En 2021, sur 13 808 demandes de réexamens, seules 2 149 avaient été déclarées recevables et abouti à un nouvel entretien, soit 15,6%.
"C’est une procédure difficile et il est rare que l’Ofpra la considère comme recevable", estime Aude Le Moullec-Rieu, qui souligne par ailleurs qu’il y a "beaucoup de mauvais conseils" à ce sujet. Pour espérer voir votre demande de réexamen aboutir, il est donc préférable de vous rapprocher d’une association compétente.