Selon l’AFP citant des sources judiciaires, cinq militaires ont été mis en examen jeudi pour non-assistance à personne en danger dans le cadre de l’enquête sur la mort de 27 migrants après le naufrage de leur bateau dans la Manche fin 2021.
Les trois femmes et deux hommes mis en examen étaient tous en fonction au moment du naufrage qui a coûté la vie à 27 personnes la nuit du 24 novembre 2021. Ce sont donc cinq militaires du Centre régional opérationnel de surveillance et de sauvetage (Cross) Gris-Nez, chargé des secours dans la Manche, qui sont soupçonnés de non-assistance à personne en danger.
Au total, neuf personnes, dont les militaires, avaient été placées en garde à vue ces derniers jours et interrogées par la Section de recherche de la gendarmerie maritime de Cherbourg, selon une source judiciaire et une source proche du dossier.
Sollicité par l'AFP, le directeur du Cross Gris-Nez n'a pas souhaité réagir. De son côté, la préfecture maritime de la Manche et de la Mer du Nord indique que "tous les opérateurs actuellement au Cross Gris-Nez ou embarqués ont toute la confiance du préfet pour conduire les opérations de sauvetage en mer". "L'affaire suit son cours et l'instruction n'est pas de notre ressort", a-t-elle ajouté, se refusant à tout autre commentaire.
Enquête
L’enquête avait déjà révélé de graves dysfonctionnements des secours français ce soir-là. Selon l’investigation, révélée par Le Monde en novembre dernier, près de 12 heures s’étaient déroulées entre le premier appel de secours et la découverte des premiers corps. Les autorités françaises sont soupçonnées d'avoir été appelées à l'aide à une quinzaine de reprises et de n'avoir envoyé aucun secours.
L’audition des opérateurs du Cross par les enquêteurs laisse penser que les personnes qui avaient réceptionné les appels des migrants en détresse ne semblaient pas avoir pris la mesure du danger qu’encourraient les passagers du canot. Pire, elles font parfois preuve de moqueries dans des commentaires en aparté, enregistrés dans les bandes de conversation entre le Cross et le bateau de migrants.
Pour se justifier, lors de précédentes auditions comme témoins dans cette enquête fin 2021, des agents du Cross avaient invoqué le manque de moyens qui contraint "à prioriser". Il peut arriver en effet qu’une embarcation en détresse soit prioritaire sur une autre, rapportait la préfecture à Infomigrants. Lors de précédentes auditions comme témoins, des agents du Cross avaient effectivement évoqué le manque de moyens et "des centaines, voire des milliers d'appels" ce soir-là.
Les retranscriptions de conversations laissent toutefois apparaître que le Cross a contacté à plusieurs reprises les garde-côtes britanniques qui n'ont, eux non plus, pas envoyé de navire sur place.
Hausse des traversées
Ce naufrage est le plus meurtrier depuis que les migrants tentent de traverser la Manche. Les victimes de ce drame étaient âgées de 7 à 46 ans. Elles avaient embarqué dans un bateau pneumatique afin de rejoindre la Grande-Bretagne. Parmi les victimes se trouvaient 16 Kurdes d'Irak, un Kurde d'Iran, 4 Afghans, 3 Éthiopiens, une Somalienne, un Égyptien et un Vietnamien. La ville de Calais avait été sous le choc d'une telle tragédie.
Chaque année, le nombre de traversées de la Manche par des migrants tentant de rejoindre le Royaume-Uni est de plus en plus nombreux. Plus de 45 000 traversées illégales de la Manche depuis l'Europe continentale vers le Royaume-Uni ont été recensées en 2022, dépassant le record de l'année précédente qui était de plus de 28 000, selon les chiffres du gouvernement britannique.