Dans 80 ans, la population africaine aura quadruplé. L'Union européenne s'inquiète de l'avenir de cette population sur un continent confronté au terrorisme, à la famine, à la mauvaise gouvernance ou encore aux catastrophes climatiques.
"Dans notre camp de réfugiés en Ouganda, on nous fait cours dans des tentes ou sous les arbres, et encore, quand les cours ont lieu", explique Natalia Mbisimo Peace. "Il n’y a tout simplement pas assez d’écoles". Il y a quatre ans, Natalia Mbisimo Peace a fui la guerre au Sud-Soudan pour venir s’installer avec sa famille en Ouganda voisin. "Depuis, je ne suis plus allée à l’école", confie la jeune femme aujourd’hui âgée de 20 ans. Elle espère pouvoir continuer sa formation un jour ou l’autre. C’est ce qu’elle explique à Bruxelles devant de hauts responsables de l’Union Européenne et des Nations Unies. Elle souhaite ainsi attirer l’attention sur les problèmes auxquels est confrontée sa génération.
L’éducation comme solution
"L’éducation, c’est ce dont nous avons le plus besoin", explique Natalia Mbisimo Peace. Même quand les cours ont lieu, de nombreux enfants et adolescents ne peuvent pas y participer parce qu’ils doivent par exemple aller chercher de l’eau pour leurs familles. Mohamed Malick Fall de l’UNICEF, le Fonds des Nations Unies pour l’enfance, est d’accord avec elle. Malheureusement, la situation en Ouganda est loin d’être un cas isolé. Le problème se pose tout particulièrement dans son pays d’origine, le Nigeria.
"Rien qu’au Nigeria, 10 millions d’enfants ne vont pas à l’école, ce qui représente un cinquième des enfants qui n’ont pas accès à l’éducation dans le monde", affirme-t-il. Au Nigeria comme en Ouganda, ce sont avant tout les conflits armés qui empêchent les enfants d’aller à l’école. "Dans le nord du pays, nous avons de gros problème avec l’organisation terroriste islamiste Boko Haram", ajoute-t-il. "Les filles sont forcées de se marier très jeune. A 20 ans, elles ont déjà cinq voire six enfants", constate Mohamed Malick Fall. Et elles mettent définitivement un terme à leurs études.
Le changement climatique et les catastrophes naturelles, comme par exemple les sécheresses, sont également à l’origine du problème. Le représentant de l’UNICEF s’inquiète. Selon des prévisions des Nations Unies, la population du Nigeria doit doubler d’ici à 2050 pour atteindre 400 millions d’habitants. D’ici à 2100, plus de 4 milliards de personnes vivront en Afrique. Un Africain sur deux aura moins de 15 ans. Mohamed Malick Fall demande à ce que des mesures soient prises rapidement.
Des emplois contre l'exil
"Il est absolument essentiel que les enfants en Afrique aient accès à l‘éducation", a déclaré le commissaire européen Christos Stylianides dans une interview accordée à la DW. Il est en charge de l’aide au développement de l’UE. L’éducation est le seul moyen de montrer aux jeunes "qu’ils ont un avenir en Afrique, et qu’il y a de l’espoir pour eux et leurs familles“, ajoute-t-il. C’est la raison pour laquelle le commissaire a déjà multiplié par huit le budget consacré à l’éducation. Mais cela n’est pas encore suffisant selon lui.
Cécile Kyenge sait ce qui arrive quand les jeunes n’ont aucune perspective en Afrique. Elle a été ministre de l’Intégration en Italie, et responsable de milliers de migrants qui, chaque année, traversent la Méditerranée pour venir en Italie. Elle est désormais députée européenne en charge de la coopération avec l’Afrique. Selon elle, l’éducation ne va pas tout résoudre, car le problème est bien plus complexe. "Les jeunes quittent l’Afrique parce qu’ils n’ont aucune perspective sur le continent, à cause des problèmes politiques, juridiques et économiques", affirme-t-elle.
Les causes de la migration devraient donc être combattues à
plusieurs niveaux. Les jeunes devraient avoir la possibilité de se construire
une carrière professionnelle sur place. Selon Cécile Kyenge, les entreprises
européennes qui sont déjà actives en Afrique pourraient créer plus de postes
pour les jeunes Africains. Et pour ceux qui ne voient pas leur avenir en
Afrique, il faudrait mettre en place des moyens légaux et sûrs de venir en
Europe, pour que moins de migrants ne meurent en Méditerranée.
"L’Afrique doit prendre ses responsabilités"
Cécile Kyenge espère que le prochain sommet qui doit réunir des chefs d’Etat africains et européens débouchera sur des résultats concrets, afin que moins de gens ne risquent leur vie pour le rêve européen. Mais elle n’est pas optimiste. Pour la députée, les solutions aux problèmes ne reposent pas que sur l’Europe. "Nous sommes arrivés à un point où l’Afrique doit elle aussi prendre ses responsabilités et se prendre en main", affirme-t-elle. Elle cite comme exemple la lutte contre les dictateurs. D’après l’ancienne ministre, l’Europe ne devrait toutefois pas laisser l’Afrique seule dans ce combat.
Mohamed Malick Fall pense également qu’il est important que les changements nécessaires émanent de la population africaine. Mais selon lui, l’UE peut et doit soutenir l’Afrique dans ce processus. Le représentant de l’UNICEF est convaincu que les premiers changements positifs sont déjà visibles. "Au Nigeria par exemple, où sévit le groupe Boko Haram, je vois chaque jour de jeunes Africains, des enseignants, des médecins, des infirmières qui font leur travail au péril de leur vie".
Il ne faudrait toutefois pas faire l’erreur de croire que ces problèmes peuvent être résolus rapidement, explique Mohamed Malick Fall, qui reste malgré tout optimiste. "Chaque initiative qui aide les sociétés à se reconstruire dans des zones de conflit ou suite à des catastrophes naturelles est un pas dans la bonne direction". C’est de cette manière que l’on donne de l’espoir aux gens sur place. Et ils seront moins nombreux à devoir quitter leur terre natale pour rejoindre l’Europe.