Consultation médicale dans la clinique mobile de MSF. Crédit : Matthieu Tordeur, MSF
Consultation médicale dans la clinique mobile de MSF. Crédit : Matthieu Tordeur, MSF

Arrivés en France après un parcours éprouvant, beaucoup de jeunes migrants, mineurs non-accompagnés se retrouvent livrés à eux-mêmes, perdus dans des dédales administratifs et judiciaires. MSF ouvre le 5 décembre un centre de jour près de Paris pour les orienter et les conseiller.

Le calme avant la tempête ? Le centre d’accueil de jour pour jeunes migrants isolés est encore silencieux. Les longs couloirs sont un peu froids, avec leur carrelage blanc au sol et leurs murs d'un blanc chirurgical. "Mais on va faire venir des artistes pour dessiner une fresque murale", assurent d’emblée les équipes d’encadrement, soucieuses de rendre les lieux "accueillants".

Les photos de la série "Wonder women" d’Ovidiu Tataru - des portraits de femmes de Gaza habillées en super-héros - sont donc accrochées à l’entrée ; des plaids disposés sur les canapés de la salle de repos où des livres et BD en plusieurs langues colorent les rangées des bibliothèques ;  et une balle attend les matchs au centre du baby-foot de la salle d’activités. "Les jeunes vont pouvoir se défouler un peu, s’asseoir, charger leur téléphone ou tout simplement ne rien faire", commente Laureen Cissé, la responsable du centre qui assure la visite.

Après un an de travail, MSF  soutenue par un faisceau d’associations parisiennes  d’aide aux migrants, ouvrent le 5 décembre à Pantin, aux portes de Paris, un centre d’accueil et d’orientation médical et administratif pour jeunes migrants isolés.  Son objectif : orienter tous ceux qui se déclarent mineurs en leur proposant des services juridiques, des soins médicaux, des soins psychologiques et une assistance sociale.

Bureau des assistantes sociales du centre d'accueil de Pantin? Crédit : Sarah Leduc

25 000 jeunes migrants isolés à Paris en 2017

Ce sera le premier centre à proposer l’ensemble de ces services en France. Les besoins sont pourtant criants : à la fin de l’année, ils auront été entre 20 000 et 25 000 jeunes à avoir demandé le statut de mineurs non accompagnés en France, selon les dernières estimations. Si ces jeunes devraient obligatoirement bénéficier d’une protection, dans les faits, leur arrivée en France reste un parcours du combattant :  manque d’information, labyrinthe administratif, manque de structures d’accueil et d’hébergements.   

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"Ces jeunes, qui ont parfois été battus, violés, vendus, kidnappés sur leur chemin, pensent qu’ils sont sortis d’affaire quand ils arrivent en France. Mais ce n’est pas le cas. Même lorsqu’ils se déclarent mineurs, ils sont nombreux à vivre dans la rue, dans des conditions alarmantes, sans aide, au milieu de groupes d’adultes et à la merci des réseaux de passeurs", dénonce en conférence de presse Corinne Torre, cheffe de mission France MSF.

À leur arrivée en France, les mineurs isolés étrangers (MIE) sont légalement sous la responsabilité des départements, qui gèrent les services de l’Aide sociale à l’enfance. Mais avant d’être pris en charge par ces derniers, les jeunes doivent d'abord être reconnus comme mineurs par le dispositif d’évaluation des mineurs isolés étrangers (Demie). Ce dispositif est largement décrié par les associations en raison de son taux de refus qui a avoisiné les 80% en 2016.  "La protection inconditionnelle de ces jeunes au titre de l’enfance en danger tout comme la présomption de minorité ne doivent plus être bafouées et doivent être appliquées", poursuit Corinne Torre.

Capacité d’accueil de 50 personnes par jour

Les agents du centre d’accueil, qui a la capacité d’accueillir 50 personnes par jour, assurent qu’ils recevront tous les jeunes, qu’ils soient primo-arrivants, en transit ou déboutés de leur reconnaissance de minorité. "Notre volonté est de les prendre en charge pour qu’ils puissent comprendre leurs droits, faire un recours devant le juge pour enfants s’ils le souhaitent et avoir accès aux soins dans des conditions sereines et stables", explique Corinne Torre.

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Elle assure que contrairement aux structures d’Etat, il n’y aura pas de vérification de l’âge, pas de "délit de faciès" à l’entrée.  Comment imaginer alors que la petite structure parisienne ne soit pas rapidement débordée ? "L’idée, c’est de savoir si les jeunes sont éligibles [pour bénéficier de leurs services]. S’ils ne le sont pas, on prendra le temps de les réorienter", promet cette femme engagée.

Affichette placardée dans le centre MSF. Crédit : Sarah Leduc

Les jeunes admis dans le centre se verront quant à eux offrir des boissons et un repas chaud, voire une douche en cas de grande nécessité ou sur injonction médicale. Ils seront ensuite reçus par des infirmières, psychologues, assistantes sociales et juristes, en présence de traducteurs si besoin. Mais à 17 heures, le centre fermera ses portes. "On fera en sorte que les jeunes sachent où avoir accès à une distribution de repas, de vêtements et qu’ils sachent où dormir, mais nous ne sommes pas un centre d’hébergement. Pour l’hébergement, nous ne pouvons pas nous substituer à l’État", s’insurge la cheffe de mission.

A terme, l’ouverture de ce centre devrait permettre aux associations de récolter des données plus précises sur la présence de jeunes migrants à Paris et à MSF de rédiger un plaidoyer à destination du gouvernement. "L’accueil des jeunes est un devoir. Nous voulons mettre l’Etat face à ses responsabilités. Ce centre est le premier de la sorte mais nous souhaitons ne pas avoir à en ouvrir d’autres. Il faut que notre démarche fasse bouger les choses", espère-t-elle. Un vœu pieu.

Infos pratiques

Le centre d’accueil de jour se trouve 101 bis avenue Jean Lolive, 93500 Pantin
Métro : Eglise de Pantin / Hoche (ligne 5)
Horaires d’ouverture : 9H – 17H lundi, mardi, jeudi et vendredi


 

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