En Belgique, dans les rues de la capitale Bruxelles, 600 migrants sont livrés à eux-mêmes. Grâce à la mobilisation citoyenne, ils peuvent dormir chez des Belges qui ouvrent leurs portes pour une ou plusieurs nuits. Un centre d’hébergement de nuit, géré par une association, a aussi été mis à leur disposition. Résultat : aucun migrant n’est contraint de dormir dans les rues.
Il est 20h en ce jour de février et les premiers migrants arrivent au parc Maximilien, situé à environ 600 mètres de la gare du nord à Bruxelles. Quelques minutes plus tard, une centaine de personnes – migrants et Bruxellois - est réunie dans un froid glacial et attend les instructions des bénévoles de la Plateforme citoyenne de soutien aux réfugiés. C’est ici que chaque soir, l’association permet à des migrants de dormir chez de simples citoyens qui se sont portés volontaires. Selon les différentes ONG, 600 migrants errent dans les rues de la capitale belge. Mais à Bruxelles, aucun migrant n’est contraint de dormir dehors.
Aux abords du parc, l’ambiance est bon enfant. Des Belges discutent entre eux, tandis que plusieurs migrants se réchauffent autour d’une soupe préparée et distribuée par des bénévoles de l’association des Cuistots solidaires.
"Vous pouvez prendre combien de personnes cette
nuit ?", lance Mehdi Kassou, porte-parole de la Plateforme citoyenne
d’aide aux réfugiés, à un couple de Belges. "Une ou deux",
répondent Marie-Eve et Karim qui ouvrent leurs portes pour la première fois.
"Le froid m’a poussé à venir", dit la quarantenaire qui n’imaginait
pas laisser ces jeunes dormir dehors par des températures négatives alors
qu’elle a "de la place dans son appartement". Hervé et Tanguy
abondent dans son sens : "On est nés du bon côté de la barrière
alors on est venu pour aider", disent en cœur les deux amis. Les deux
groupes ne partagent pas les mêmes idées politiques, "ne défilent pas
dans les mêmes manifestations" mais ils s’entendent sur un point :
"Tout cela n’a rien à voir avec la politique, c’est simplement de
l’humanisme", dit Hervé.
La plateforme citoyenne de soutien aux réfugiés, à
l’origine de ce dispositif, compte aujourd’hui 10 000 hébergeurs. Grâce à
ces simples citoyens, environ 250 migrants sont hébergés chaque soir chez des
Belges depuis le début de l’opération, en juillet dernier.
"Des amis m’ont dit que c’était dangereux. Mais c’est eux qui sont en danger, pas moi"
Michel, 68 ans, est lui un habitué de la réunion quotidienne au parc Maximilien. Ce soir-là, il transporte deux jeunes hommes chez son amie Nicou qui n’a pas de voiture. Hassan et Houssem, 21 et 25 ans sont Soudanais et dormiront quelques nuits chez cette dame de 76 ans. À leur arrivée chez elle, les jeunes semblent gênés. Nicou, sourire aux lèvres, tente de les mettre à l’aise : "Avez-vous dîné ? Vous voulez un café ? Que mangez-vous le matin ?", leur demande-t-elle d’un ton maternel. La barrière de la langue ne facilite pas les échanges, les Soudanais bredouillent seulement quelques mots de français, leur langue maternelle étant l’arabe. Mais assez rapidement, chacun trouve ses marques.
Nicou a commencé à se mobiliser pour les migrants de
Bruxelles l’été dernier, scandalisée par des images télévisées des forces de
l’ordre détruisant les campements sauvages des migrants du parc Maximilien. Le
lendemain, cette femme coquette débarque en taxi sur le camp les bras chargés
de vêtements. Quelques mois plus tard, sa chambre d’amis aménagée, elle héberge
ses premiers hôtes de passage pour la nuit.
Depuis, dès qu’elle peut, elle ouvre sa porte de bon cœur. "Des amis m’ont dit que j’étais folle, que c’était dangereux d’accueillir des inconnus chez moi à mon âge. Mais ce sont ces jeunes qui sont en danger, pas moi", dit-elle.
Une ambiance détendue
En parallèle, l’association a mis en place début décembre un centre d’hébergement de nuit ouvert de 20h30 à midi. "On s’est rendu compte que certaines personnes restaient dehors, faute de place chez les citoyens", explique Andréas Adkins, coordinateur du centre.
Dans ces anciens bureaux inoccupés depuis 2005 mis à
disposition de l’association par la Ville, 200 lits sont disponibles. Ce soir
de février, le centre affiche complet, "comme chaque jour", précise
Andréas. Un sentiment de légèreté y règne et frappe le visiteur. L’ambiance
dénote avec l’atmosphère tendue qui peur régner dans le grand centre
humanitaire de la Gare du nord. Les visages crispés et inquiets ont laissé
place à des expressions plus apaisées.
D’un côté, des Maghrébins dansent sur du raï. De l’autre,
un jeune homme se réchauffe, collé au radiateur, tout en jouant quelques notes
de guitare. Dans le réfectoire qui peut accueillir 80 personnes, des rires
résonnent. Certains jouent au domino, d’autres discutent tranquillement
autour d’une boisson chaude. À l’étage où se trouvent les dortoirs, plusieurs
hommes se sont déjà mis au lit. Ici, les migrants se sentent en sécurité et
peuvent redevenir de simples jeunes, loin des soucis qui émaillent leur
quotidien.
>> Si vous êtes à Bruxelles et que vous ne savez pas où dormir ce soir, rendez-vous aux abords du parc Maximilien à partir de 20h.