Pendant trois ans, le réalisateur Michel Toesca a suivi l’agriculteur de la Roya Cédric Herrou dans son combat pour venir en aide aux migrants. Le film est nommé au prochain Festival de Cannes.
"Libre", du réalisateur français Michel Toesca, raconte le combat de l’agriculteur emblématique de la vallée de la Roya, Cédric Herrou. Des premières arrivées de migrants sur son terrain aux actions pour leur permettre de demander l’asile en passant par ses déboires judiciaires, Michel Toesca a suivi pendant trois ans le militant, sa caméra chevillée au corps.
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migrants chez moi"
Le film a rejoint la sélection officielle du 71ème Festival de Cannes, dans la catégorie "séance spéciale". Rencontre avec son réalisateur, Michel Toesca.
- Comment vous est venue l’idée de ce film ?
Je vis dans la vallée de la Roya depuis des années. Quand j’allais côté italien [vers Vintimille, NDLR], je voyais tous ces gens qui n’avaient pas de quoi manger ou se loger, il y avait même des femmes et des enfants. Côté français aussi, ils étaient complètement livrés à eux-mêmes.
Quand on voit ce genre de choses tous les jours, on ne peut pas rester inactif. Alors avec d’autres habitants de la vallée, notamment Cédric Herrou, nous les avons aidé : nous leur avons donné à manger et à boire, nous les avons logés et nous leur avons apporté de l’aide pour déposer l’asile en France.
Personne n’en parlait à l’époque alors j’ai décidé de prendre ma caméra pour montrer ce qu’il se passe. Au début, je n’avais pas pensé à en faire un film, l’idée est venue avec le temps. Une page de l’immigration se joue actuellement dans la vallée de la Roya et c’était important de raconter cette histoire.
Mon film comporte une démarche citoyenne : raconter
ce que j’ai vu. Ce n’est pas un film militant mais
un geste politique. C’est un film qui raconte la vie.
- Pourquoi avoir centré le film sur l’action de Cédric Herrou ?
Tout simplement parce que Cédric est le seul dans la vallée de la Roya à n’avoir jamais lâché. Quand certains, pour des raisons familiales ou professionnelles, n’avaient pas le temps de s’en occuper, Cédric, lui, était toujours là. À part quand il était en garde à vue évidemment mais sinon il était toujours présent pour eux [rires].
C’est pour cela qu’au fur et à mesure, j’ai recentré le
film sur l’action de Cédric. C’est lui qui porte l’histoire de bout en bout. [La
cause des migrants] est en quelque sorte devenue le centre de son existence.
- Comment s’est passé le tournage ?
J’ai tourné pendant trois ans. Je me baladais tout le temps avec ma caméra. J’étais quotidiennement avec les habitants de la Roya qui aident les migrants : lors des distributions de nourriture, des consultations médicales, des actions menées par le collectif…
J’ai passé beaucoup de temps avec les migrants, ce qui nous a permis d’établir un lien de confiance. Ils ont donc accepté assez facilement que je les filme, même si certains ont refusé par souci de sécurité ou pudeur.
Avec Cédric, nous sommes amis depuis longtemps. Mais ces
années à vivre quasiment ensemble a renforcé notre amitié. Le tournage était
donc fluide, simple et naturel.
À la fin, nous avions 250 heures d’images. J’ai commencé le montage seul puis je me suis rendu compte que je n’avais pas assez de recul pour le faire bien. Catherine Libert a donc pris le relais. Je voulais que le film soit le plus abordable et le moins confus possible.
- Vous êtes dans la
sélection officielle - dans la catégorie "séance spéciale" - du festival de Cannes.
Comment avez-vous réagi à l'annonce de cette nouvelle ?
Il n’y a pas meilleure vitrine que Cannes, c’est une grande chance pour ce film. C’est une très bonne nouvelle, une consécration pour tout le travail entrepris : nous avons donné beaucoup de notre temps et pris des risques pour faire ce film.
Je suis très content, d'autant que je suis nommé aux côtés de grands
réalisateurs. J’aime beaucoup ce que fait Wang Bing [réalisateur nommé dans la
même catégorie, NDLR] donc c’est un honneur pour moi. On ne s’y attendait pas du
tout !
- Allez-vous monter les marches du festival de Cannes accompagné de demandeurs d’asile ?
Toute l’équipe du film sera présente, Cédric aussi évidemment. Je vais essayer de faire venir des demandeurs d’asile si nous ne sommes pas arrêtés par la police en chemin [rires]. Mais de toute façon, le film sera projeté dans la vallée de la Roya.