Un couple de demandeurs d'asile homosexuels dans le sud de la France. Crédit : InfoMigrants
Un couple de demandeurs d'asile homosexuels dans le sud de la France. Crédit : InfoMigrants

Les dossiers des demandeurs d’asile LGBT, en France, sont en hausse depuis quelques années. Plusieurs associations ont dû s’adapter à ce public particulier, vulnérable, victime de violences mais aussi de stéréotypes.

Le Refuge n’aurait pas pensé accueillir autant d’étrangers. L’association d’aide aux homosexuels isolés, qui a toujours agi auprès d’un public essentiellement français, a dû s’adapter il y a environ quatre ans à l’arrivée d’étrangers persécutés en raison de leur homosexualité.

"En 2014, notre association a été confrontée pour la première fois à la crise migratoire. De jeunes étrangers frappaient à notre porte pour trouver de l’aide… Ils disaient être en danger de mort à cause de leur orientation sexuelle", se rappelle Frédéric Gal, le directeur du Refuge. Les nouveaux arrivants sont généralement des Africains : Algériens, Marocains, Ivoiriens, Camerounais... Mais aussi des Albanais et des ressortissants d'Europe de l'Est.

"Ils arrivaient, il fallait faire quelque chose", continue Frédéric Gal. "Les histoires de ces homosexuels venus en France pour demander l’asile sont peut-être plus violentes que celles que nous écoutons habituellement. Plus violentes dans le sens où ces personnes ont subi une double peine : le rejet par leur famille et une violence judiciaire".

En Afrique, de nombreux pays criminalisent toujours les homosexuels : la Côte d’Ivoire, le Sénégal, la Tunisie, le Maroc, l’Algérie, la Guinée… Parfois, la peine de mort peut même être requise, comme au Soudan ou au Nigéria.

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"Nous demandons des fonds pour ouvrir des places aux demandeurs d'asile LGBT"

Ces dernières années, les demandes de prise en charge émises par des étrangers ont été de plus en plus importantes. En 2015, 10% des jeunes gays hébergés par l'association n'étaient pas Français. En 2016, ils étaient 14 %, et 28 % en 2017 (soit 70 personnes sur les 280 homosexuels aidés par l’association). Bien que le chiffre reste minoritaire au sein de l’association, "il montre toutefois cette nouvelle visibilité des migrants homosexuels" dans la société. "Nous avons interpellé le ministère de l'Intérieur sur cette problématique. Nous demandons des fonds pour ouvrir des places réservées exclusivement aux demandeurs d'asile LGBT", précise de son côté Nicolas Noguier, le président du Refuge.

L’Office français de protection des réfugiés et apatrides (Ofpra), seule institution habilitée à délivrer l’asile et le statut de réfugié, constate également une augmentation des dossiers fondés sur l’"orientation sexuelle".

"Nous n’avons pas de chiffres officiels, parce qu’il interdit de réaliser ce genre de statistiques. En revanche, je peux dire que le nombre de dossiers concernant les orientations sexuelles augmente depuis 2013, il concerne en majorité un public africain et nos agents sont spécialement formés pour ces cas particuliers", explique Pascal Brice, le directeur de l’Ofpra. 

Préparer des agents administratifs à ne pas tomber dans des stéréotypes, en l'occurence. A l’ACAT, association chrétienne contre la torture, on redoute la maladresse des structures administratives face aux migrants LGBT. "Par exemple, [des agents de l’Ofpra, des magistrats] sont marqués par l’idée reçue de ‘l’homosexualité hypersexualisée’, ils peuvent être sceptiques face à un demandeur d’asile qui affirme n’avoir aimé qu’un seul partenaire dans sa vie […] Ils ont la fâcheuse tendance de vouloir ‘plaquer’ [le stéréotype qu'on a en France ] sur le [vécu] des demandeurs d’asile dans leur pays d’origine", peut-on lire dans un article de l’ACAT.

"Encore pas mal d'homophobie dans notre société"

La confrontation entre le public LGBT et les autorités inquiète également le Baam (bureau d'accueil et d'accompagnement des migrants), une association basée à Paris. "Il y a encore pas mal d’homophobie dans notre société même au sein des structures d’accueil pour migrants, parmi les travailleurs sociaux et les institutions", explique Julian, membre du Baam LGBT, une section ouverte en 2017.

"Nous avons décliné une section LGBT en raison d’une hausse des demandes d’aide de migrants homosexuels et transgenres [...] Généralement, ces personnes sont fragiles, elles ont un parcours difficile. Nous avons d’ailleurs un espace sécurisé pour les recevoir, pour qu’elles puissent s’exprimer sans la présence de personnes de leur communauté ou de leur pays", précise Julian. Le Baam LGBT s’est occupé d’une cinquantaine de personnes l’année passée, des dublinés, des demandeurs d’asile, en provenance d’Afrique principalement, du Kenya, d’Érythrée, du Nigeria et du Niger.

Autre difficulté : défendre son cas quand on vient de pays dits "sûrs". La liste de ces pays* a été définie par l'Ofpra, elle cible les pays censés respecter des principes de la liberté, de démocratie et les droits de l'Homme. Mais elle inclut des États qui pénalisent l'homosexualité comme le Ghana ou le Sénégal. Les demandeurs d'asile venant de ces pays sont automatiquement envoyés en "procédure accélérée", moins protectrice puisque plus rapide. Bonne nouvelle toutefois : selon le nouveau projet de loi Asile et immigration, votée en première lecture à l'Assemblée nationale, la France devrait bientôt exclure de sa liste de "pays sûrs" les pays criminalisant l'homosexualité. 



*Albanie, Arménie, Bénin, Bosnie-Herzégovine, Cap-Vert, Géorgie, Ghana, Inde, Kosovo, Macédoine (ARYM), Maurice, Moldavie, Mongolie, Monténégro, Sénégal, Serbie. 

*** INFOS PRATIQUES ***

BAAM LGBT


Permanence du Baam LGBT, tous les mardis de 18h à 20h

74 avenue Denfert-Rochereau (Bâtiment Colombani)

75014 Paris

Baam.lgbt@gmail.com

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Permanence de L'ARDHIS (Association pour la Reconnaissance des Droits des personnes Homosexuelles et transsexuelles à l'Immigration et au Séjour) : le 2e samedi du mois à partir de 10h30

63 rue Beaubourg

75003 PARIS

contact@ardhis.org

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