Danika Jurisic est photographe et bénévole. Une fois par semaine, elle installe un studio mobile pour prendre en photo les demandeurs d’asile et leur fournir des photos d’identité gratuites.
Elle a installé son studio mobile à l’entrée d’un parking à la porte de la Villette (Paris). Sommaire mais pratique, le parking offre un grand mur blanc, le fond idéal pour les photos d’identité. Ce samedi matin, trois migrants somaliens prennent place à tour de rôle devant l’objectif de Danika Jurisic, photographe croate à l’origine de l’initiative "Photos for asylum seekers".
Abdel Rahman a 19 ans. Il est somalien et il dort depuis quatre jours sous une tente, dans le camp du canal Saint-Denis. Il est arrivé en France le 15 mai. Le jeune homme a rendez-vous mardi avec l’association France Terre d’Asile pour préparer son dossier pour la préfecture et il ne possède pas de photos d’identité. C’est une bénévole du camp qui l’a informé de la présence de Danika, ce matin, à la porte de la Villette.
"Je me suis rendue compte que les réfugiés du camp avaient constamment des soucis avec les photos d’identité nécessaires à leur demande d’asile. Il leur manquait toujours les 5 euros pour prendre des clichés au Photomaton. Étant photographe professionnelle, je me suis dit que ce serait plus simple et moins cher de prendre les photos moi-même et de les imprimer depuis chez moi", raconte Danika, qui aide les migrants sur le camp du canal Saint-Denis depuis des mois, en leur apportant des couvertures ou en servant le café.
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Des photos d'identité aux normes
Devant l’objectif, Hashi, un autre demandeur d’asile soudanais est pris d’un fou rire. "La photo c’est l’occasion d’échanger, de demander s’ils n’ont pas besoin d’autre chose…", explique la photographe. En revanche, il va falloir attendre un peu avant de prendre le cliché. Les photos d’identités acceptées par l’administration sont strictement réglementées. "Le sujet doit fixer l’objectif, adopter une expression neutre, garder la bouche fermée", indique le ministère de l’Intérieur. Pas de sourire, ni de voile, ou de lunettes à montures épaisses… la photo doit être correctement contrastée, dans un format précis, y compris pour la taille du visage. Danika connait ça par cœur. Depuis le début du mois mai, elle a pris plus de 300 photos d’identités pour les demandeurs d’asile qui sont venus la trouver à la porte de la Villette ou à proximité du métro Jaurès, autre point de rendez-vous.
Ce matin, plusieurs autres bénévoles sont venus prêter main
forte à Danika, dont ils ont lu l’appel à mobilisation sur Facebook. Ils ne se
connaissaient pas avant aujourd’hui, c’est l’algorithme du moteur de recherche
qui les a réunis. L’une de ces volontaires, Marion, travaille pour le ministère
de la Culture. Dominique, Tina, Anne et Emmanuelle sont tous photographes. Ils ont
apporté plusieurs centaines de cartouches d’encre et du papier glacé. "Le
plus dur", les avertit Danika, "c’est d’aller trouver les réfugiés
intéressés, de les faire venir ici, puis de retrouver les propriétaires des
portraits pour leur redistribuer les photos".
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Des points de rendez-vous fixes
"Lui vous le connaissez ?" demande-t-elle aux trois Soudanais, tout en leur tendant une planche de photos prises la semaine précédente. "Il est érythréen, il n’est pas venu chercher ses photos" poursuit-elle. Sur la quarantaine de migrants que Danika photographie chaque semaine, il y en a toujours deux ou trois qu’elle ne revoit jamais. "Ils quittent Paris ou alors ils ont été expulsés du territoire car dublinés ", suppose-t-elle.
À Jaurès et sur le camp du canal Saint-Denis, elle a placardé
des affichettes en arabe, en dari (Afghanistan), en pashto (Afghanistan) et en tigrigna
(Érythrée) pour annoncer les séances photos, qui ont lieu tous les samedis à heures
fixes. Danika préfère organiser les shooting en dehors des campements, pour des
questions de sécurité et d’intimité. "Gagner la confiance des réfugiés c’est
un véritable enjeu". D’ailleurs ce matin, plusieurs migrants, méfiants, n’ont
pas voulu participer à la séance gratuite, bien qu’ils aient besoin de photos d’identité.
"Ils ont eu peur de ce que deviendraient ces clichés" explique
Danika. Pour la photographe, "prendre en photo, est une vraie responsabilité : on ne peut pas montrer les clichés à tout le monde, les diffuser sur les réseaux sociaux ou en faire autre
chose que ce que l'on a promis. Les photos appartiennent à leur propriétaire avant
tout", conclut-t-elle.
*** INFO PRATIQUES ***
Les séances photo de "Photos for asylum seekers"
ont lieu tous les samedis à 12h à la porte de la Villette, à l’angle avec le
boulevard Mc Donald, et à 14h à proximité du métro Jaurès, à l’angle du
Boulevard de la Villette et du quai de Jemmapes. Vérifier les dates des
rendez-vous photo sur la page Facebook "Photos for asylum seekers - refugees".
En savoir plus sur la réglementation vigueur pour les photos d’identité : https://www.service-public.fr/particuliers/vosdroits/F10619