Najiba*, jeune Afghane de 22 ans, se terre avec sa famille à Kaboul depuis le retour au pouvoir des Taliban. Ils sont particulièrement menacés en raison de la profession du père de Najiba, employé dans l'administration précédente. En août 2021, la famille avait tenté de quitter le pays pour rejoindre un frère de la jeune femme en France, mais leurs passeports ont été volés à l'aéroport. Depuis, la vie de Najiba s'est comme arrêtée.
Le 15 août 2021, les Taliban sont entrés dans Kaboul et ont repris le pouvoir sur l'Afghanistan, 20 ans après en avoir été chassés. La famille de Najiba assiste, médusée à cette démonstration de force. L'un de ses frères réussit à gagner l'ambassade de France et à être transféré à l'aéroport de Kaboul. La famille décide de le rejoindre mais, dans la cohue qui s'est formée autour de l'aéroport, les passeports de Najiba, de ses parents et de ses frères et sœurs sont volés. La porte de sortie du pays se referme sur la famille. Le frère de Najiba, lui, a pu gagner la France et y obtenir l'asile.
Depuis un an, la jeune femme et ses proches vivent, eux, cachés en Afghanistan. Par écrit, de peur qu'un seul mot prononcé au téléphone ne les mette tous en danger, Najiba a raconté à InfoMigrants le bouleversement qu'a été l'arrivée des Taliban dans sa vie et son espoir de pouvoir, un jour, quitter le pays.
"J'ai 22 ans. J'ai trois frères et deux sœurs. Lorsque nous avons tenté d'entrer dans l'aéroport de Kaboul, après le 15 août 2021, pour nous enfuir du pays, nous avons été attaqués par des centaines de personnes. Ma mère avait nos passeports dans son sac. Elle est tombée à terre pendant l'attaque, un garçon lui a volé son sac et est parti en courant. Je n'ai pas réussi à le rattraper.
Après ça, nous nous sommes dispersés puis nous nous sommes retrouvés chez nous. Il était alors devenu très dangereux d'aller à l'aéroport à cause des risques d'attentat. Mon père ne voulait pas que nous y retournions.
Nous avions une vie normale et agréable
Depuis, notre vie est devenue un enfer. Avant le retour des Taliban, nous avions une vie normale et agréable. Moi, j'étais étudiante en relations internationales dans une université privée de Kaboul. Je n'avais plus qu'un an à étudier avant d'obtenir mon diplôme.
Mon père travaillait au bureau du procureur général d'Afghanistan, une de mes soeurs travaillait aussi là-bas. Ma mère était femme au foyer et mes autres frères et sœurs faisaient tous des études ou allaient à l'école.
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Après l'arrivée des Taliban, nous avons commencé à vivre secrètement. Les premiers jours, des gens sont venus chez nous et ont tout abîmé parce que nous n'étions pas là. Nous étions allés loger chez des proches. Mais ils ont fini par nous demander de partir. Ils avaient peur d'être en danger si les Taliban découvraient qu'ils hébergeaient des membres de l'ancien gouvernement.
Nous ne pouvons pas aller dans un pays voisin
Nous sommes retournés dans notre maison mais, à ce moment-là, les Taliban faisaient du porte à porte pour arrêter les gens. Nous avons donc brûlé tout ce qui pouvait nous mettre en danger. J'ai brûlé tous mes livres sur la politique étrangère. Notre famille est particulièrement menacée parce que nous sommes tadjiks. [Les Taliban, majoritairement pachtounes, sont opposés aux autres ethnies vivant en Afghanistan, comme les Hazaras ou les Tadjiks, ndlr.]
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Nous ne pouvons même pas quitter l'Afghanistan pour un pays voisin car nous n'avons plus de passeport. Et nous ne pouvons pas en demander ici car les empreintes de ma soeur et de mon père ont été enregistrées donc les Taliban pourraient les identifier tout de suite comme des employés de l'ancienne administration. Ils pourraient être arrêtés pour ça.
J'ai envoyé plusieurs messages aux autorités françaises pour demander notre évacuation, mais cela n'a jamais fonctionné. Aujourd'hui, je suis comme en prison dans mon propre pays."
*Le prénom a été changé