À Chypre, les migrants condamnés à survivre

Anne-Diandra Louarn
par Publié le : 02/07/2019 Dernière modification : 01/07/2019
Située en face des côtes turques et syriennes, l’île de Chypre a la particularité d’être divisée entre le nord sous occupation turque et le sud, sous administration européenne. Sa singularité géopolitique en fait une porte d’entrée sur l’Europe et de plus en plus d’Africains figurent parmi les demandeurs d’asile. Depuis le début de l'année, la petite île de 800 000 habitants croule sous les dossiers et les retards s’accumulent rendant le quotidien des migrants très pénible.
Un migrant d'origine africaine patiente dans le hall de l'ONG Kisa à Nicosie. Crédit : Anne-Diandra Louarn / InfoMigrants
Comment de plus en plus d'Africains atterrissent à Chypre
Un migrant d'origine africaine patiente dans le hall de l'ONG Kisa à Nicosie. Crédit : Anne-Diandra Louarn / InfoMigrants

Contrairement aux autres pays européens, Chypre n’a pas connu le pic de sa crise migratoire en 2015. Celle-ci se fait sentir depuis à peine deux ans, comme l’explique Katja Saha, représentante à Chypre du Haut-commissariat aux Réfugiés de l’ONU (HCR). “Il y a encore quelques années, les Syriens n’étaient pas intéressés par Chypre car c’est une île et voyager jusqu’ici coûte très cher. Mais avec le temps, les pays voisins de la Syrie ont commencé à être saturés, alors les Syriens ont cherché d’autres routes, d’autres refuges, d’autres destinations. Chypre étant géographiquement près de la Syrie, les Syriens ont afflué tout naturellement.”

Ainsi, entre 2017 et 2018, le rythme des arrivées de migrants a commencé à accélérer significativement avec une augmentation de 70% sur un an, indiquent les statistiques officielles. Et depuis le début de l’année, la tendance se poursuit avec près de 4 500 arrivées sur les quatre premiers mois de l’année, soit autant de migrants que sur l’ensemble de l’année 2017.

Nombre darrives de migrants  Chypre Crdit  InfoMigrantsDe par la position géographique de Chypre, le premier contingent de migrants provient donc de Syrie avec plus de 2 000 demandeurs d’asile en 2018. Plus de 95 % d’entre eux ont reçu la protection subsidiaire, mais pas le statut de réfugié. Ils ne peuvent donc pas prétendre au regroupement familial - seulement possible avec la protection internationale. Le gouvernement chypriote est conscient de cette particularité administrative : il veut limiter les arrivées supplémentaires. “Nous avons déjà octroyé des milliers de protections subsidiaires et 1 500 autres dossiers sont actuellement en attente. Ajoutez à cela les 1 000 nouvelles demandes d’asile chaque mois. Imaginez si nous devions multiplier tout cela par 4 avec la réunification familiale. Les migrants constitueraient 10% de notre population ? Ce n’est pas viable”, justifie Constantinos Petrides, ministre de l’Intérieur chypriote, rencontré par l’équipe d’InfoMigrants.

“La situation est devenue hors de contrôle, je suis très inquiet”, confie le ministre qui en appelle à l’Union européenne. “Nous avons actuellement la plus grande proportion de migrants par habitant en Europe. Par le passé, nous avons accepté d'accueillir des migrants qui étaient arrivés dans d’autres pays de l’UE, mais personne ne nous aide aujourd’hui. Chypre est délaissé par l’UE. Nous avons besoin en urgence de nous mettre d’accord sur une politique de répartition des migrants et une réforme de la loi Dublin”.

En outre, Constantinos Petrides déplore l’absence de dialogue avec la Turquie qui occupe la partie nord de l’île de Chypre : “La Turquie refuse de coopérer et nous envoie toujours plus de migrants via des passeurs. C’est une particularité que l’UE devrait aussi prendre en compte. Pour nous, il ne s’agit pas de gérer simplement l’arrivée des migrants via la mer, la situation est bien plus complexe, nous devons prendre en compte une crise politique [avec la partie turque]."

Constantinos Petrides ministre de lIntrieur chypriote Crdit  InfoMigrantsEt la situation risque d'empirer. Bien que majoritaires jusqu’à présent, les Syriens ne sont effectivement plus les seuls à demander l’asile à Chypre. De plus en plus d’Africains et notamment des Camerounais, des Congolais ou encore des Nigérians arrivent sur l’île, côté turc, via une nouvelle route migratoire, dont la popularité n’a de cesse de croître ces derniers mois. Selon le ministre Petrides, pour le seul mois de mai 2019, 747 migrants ont traversé la frontière vers la partie européenne. Il s’agit dorénavant d’Africains et d’Asiatiques, les Syriens ne représentant plus que 25 à 30% des arrivées, selon le ministre Petrides.

Tous racontent ce même périple : un départ depuis l’Afrique en avion jusqu’à la Turquie, le plus souvent Istanbul où le passeur s’occupe de leur octroyer un visa touristique - facilement délivré. Certains passeurs fournissent également de faux papiers pour arriver en Turquie sans encombre.

De là, il est alors aisé de prendre un autre vol pour la partie nord de Chypre sous occupation turque. “Les migrants parviennent généralement à sortir de l’aéroport en prétendant venir faire du tourisme. Puis ils traversent la frontière avec un passeur en voiture ou même parfois à pieds pour demander l’asile dans la partie sud, sous administration européenne”, indique Katja Saha du HCR.

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Depuis l’année dernière, l’avion n’est plus le seul moyen de transport utilisé pour rejoindre l’île. Des embarcations chargées de migrants ont aussi commencé à apparaître sur les côtes. “Au total en 2018, une vingtaine de bateaux est arrivée et vingt autres ont accosté sur les côtes de la partie nord avant de venir demander l’asile au sud”, précise Katja Saha. “Bien que cette traversée ne soit pas aussi longue que celle de la Méditerranée centrale, elle reste dangereuse. Notamment parce que les migrants naviguent seuls avec leur smartphone comme seule boussole. Ils perdent le réseau au bout de 20 miles environ après avoir quitté le littoral libanais ou turc. Donc ils se perdent rapidement et beaucoup n’arrivent jamais jusqu’à Chypre.”

Demandes dasile  Chypre par nationalit Crdit  InfoMigrantsUne fois arrivé en territoire sous autorité européenne, le migrant doit faire face à un nouveau parcours du combattant. Les demandeurs d’asile se heurtent en effet à un système d’asile totalement dépassé par la réalité actuelle du terrain. “L’histoire migratoire de Chypre est unique en Europe. Jusqu'à il y a peu, nous n’avions tout simplement aucun système de migration en place car nous n’avions pas de migrants”, raconte Doros Polycarpou, expert des questions migratoires et co-fondateur de l’ONG de défense des migrants Kisa, basée à Nicosie.

“Les seuls migrants que nous avions étaient liés à l’industrie du sexe et aux cabarets. Il s’agissait principalement de femmes que l’on faisait venir d’abord d’Asie, puis ensuite d’Europe de l’est. Autant dire que leur nombre était très limité et que le gouvernement n’a jamais développé un système ni construit d’infrastructures pour les accueillir”, ajoute-t-il.

Les premiers réfugiés ont commencé à arriver à Chypre en 2004, lorsque le pays est entré dans l’Union européenne. “Avant l’entrée dans l’UE, nous pensions que les Chypriotes étaient les seuls déplacés au monde, nous n’avions aucune conscience des autres flux migratoires. À partir de 2004, il a donc fallu commencer à accepter des réfugiés, pas parce que nous l’avions décidé, mais parce que Bruxelles nous a demandé de faire quelques efforts sur la question. Il n’y a eu aucun débat public”, explique Doros Polycarpou, soulignant que Chypre fait toujours partie des premiers pays à signer les diverses conventions de défense des droits de l’homme, mais que leur application ne suit pas.

C’est dans ce contexte “inadapté” que les migrants à Chypre se débattent au quotidien entre lenteurs administratives, abus et exploitations en tous genres.

À Chypre, familles et femmes seules sont souvent logés dans des conditions très précaires. Crédit : Anne-Diandra Louarn / InfoMigrants
“Le pays n’est plus en capacité d’accueillir davantage”
À Chypre, familles et femmes seules sont souvent logés dans des conditions très précaires. Crédit : Anne-Diandra Louarn / InfoMigrants

Devant l’afflux de migrants, le manque d’infrastructures d’accueil et l’absence d’une politique migratoire adaptée, Chypre ne parvient plus à suivre. “Concernant la procédure de demande d’asile, les retards sont énormes. Normalement, il y a environ six mois d’attente avant d’avoir une décision. Actuellement, les demandeurs d’asile à Chypre doivent patienter entre 3 ans et 5 ans”, affirme Katja Saha du HCR.

Pour lutter contre cette situation, l’agence onusienne, soutenue par les ONG locales, presse le gouvernement de mettre une place une procédure accélérée de demande d’asile. “Actuellement, 50% des migrants à Chypre demandent l’asile sans fondement, c’est à dire qu’il utilisent les lenteurs administratives pour pouvoir rester 3 à 5 ans sur le territoire en attendant une décision qui, ils le savent, sera négative. C’est le cas de beaucoup d’Indiens, de Bangladais ou encore de Sri Lankais”, explique Katja Saha qui précise que ces demandeurs d’asile infondés arrivent généralement en tant qu’étudiants ou travailleurs domestiques et lorsque leur visa expire, ils restent à Chypre.

Aux retards et lenteurs administratives diverses s’ajoute une grave pénurie de logement. Lorsqu’un migrant demande l’asile à Chypre, il est d’abord orienté vers le centre d’urgence de Kokkinotrimithia où ses empreintes digitales sont enregistrées et où il devra subir un premier contrôle médical. Après 72 heures, les migrants sont contraints de quitter les lieux. Et après ? Rien. Aucun système de logements sociaux n’existe et les locations sont rares, même pour les Chypriotes.

“Le pays n’est plus en capacité d’accueillir davantage”, alerte encore Katja Saha. Il n’existe en effet qu’un seul centre d’hébergement pour tout le pays : il se trouve à Koffinou à 40 km au sud de Nicosie. “Ce centre a une capacité de plus ou moins 300 personnes alors que plus de 1 500 demandeurs d’asile attendent une réponse. Non seulement il n’y a pas assez de places d’hébergement, mais en plus il n’y a pas assez de rotation au centre de Koffinou. Parce que les demandeurs d’asile mettent entre 3 à 5 ans avant d'avoir une réponse, ce centre d’hébergement temporaire s’est transformé entre d’hébergement permanent.” Depuis environ un an, le pays voit donc émerger un phénomène qu’il n’avait jamais connu : des sans-abri et des migrants qui dorment à la rue.

Ce centre dhbergement  Kofinou est le seul  Chypre Crdit  Asylum ServiceConscient du problème, le ministre Petrides a confirmé à InfoMigrants que deux nouveaux centres d’hébergement devraient voir le jour prochainement. “Mais si nous voulions accommoder tous les demandeurs d’asile, il faudrait en construire entre 50 et 60 de plus. Ce n’est évidemment pas possible dans un petit pays comme Chypre”, nuance-t-il. 

Pour ceux qui parviennent à trouver un logement dans le parc immobilier privé, de plus en plus d’abus sont constatés : prostitution contre un toit, évictions arbitraires, exploitation en tous genre… “Cela nous inquiète beaucoup”, avoue le ministre.

Linda fait partie de ceux-là. Partie de Guinée Conakry pour fuir un mariage forcé et de graves violences familiales, la jeune femme de 23 ans a payé des passeurs sur conseils d’une amie. Après un long périple notamment via la Libye, Linda est arrivée en bateau au nord de l’île de Chypre. “Je pensais que j’étais en Italie, c’est ce que m’avait dit le passeur. En fait, j’ai été enfermée quelques jours dans une maison côté turc, c’était très dur, ça m’a traumatisée encore plus. Puis un monsieur est venu me chercher un soir et m’a emmenée dans une voiture jusqu’à la partie du sud [et européenne] de l’île. Il m’a dit : ‘Voilà tu es en Europe’. Chypre ? Je ne savais même pas ce que c’était, je ne pouvais pas y croire.”

Le passeur la dépose alors devant une maison où vivent d’autres femmes comme elle. “Le problème, c’est que je suis la dernière arrivée alors ça se passe très mal, elles me maltraitent et veulent m’exploiter, me faire travailler, me prostituer. Je dois payer 300€ par mois pour dormir là-bas. Mais je n’ai pas cet argent”, confie-t-elle à InfoMigrants depuis le hall d’accueil de l’ONG Caritas à Nicosie. “J’espère qu’ils vont m’aider à quitter cette maison. Il paraît que c’est l’Europe ici. Mais je ne sais pas ce qu’il va encore m’arriver…”

Des migrants patientent au frais  lintrieur du centre gr par Caritas  Nicosie Crdit  Anne-Diandra Louarn  InfoMigrants

“Ces histoire de trafics touchent le secteur du logement mais pas que”, confirme Katja Saha du HCR. “Le trafic d’être humains est en forte augmentation à Chypre. Nous avons la preuve de l’existence de nombreux réseaux actifs qui opèrent à Chypre en connexion avec différents pays européens et africains - principalement le Nigeria et le Cameroun”, affirme-t-elle.

Depuis l’année dernière, le HCR a également recensé des dizaines de cas de jeunes filles syriennes, entre 14 et 18 ans, qui arrivent à Chypre pour épouser contre leur gré un homme beaucoup plus âgé. “À l'aéroport, elles disent qu’elles viennent voir ‘un oncle’. Ces cas-là devraient pouvoir être repérés au centre d’urgence de Kokkinotrimithia mais elles sont souvent trop traumatisées pour parler. Le ministère des Affaires sociales et la police anti-trafic ont besoin d’aide et de ressources pour mettre en place un système de détection des personnes vulnérables dès leur arrivée.”

Un migrant est venu demander conseil au centre de Caritas à Nicosie. Crédit : Anne-Diandra Louarn / InfoMigrants
Exploitation et prostitution contre un emploi
Un migrant est venu demander conseil au centre de Caritas à Nicosie. Crédit : Anne-Diandra Louarn / InfoMigrants

Contrairement à d’autres pays européens comme la France, à Chypre, les demandeurs d’asile ont le droit de travailler mais il sont limités à certaines catégories professionnelles. “L’emploi, c’est l’autre grand challenge auquel les migrants doivent faire face après le logement”, souligne Katja Saha du HCR. “Ils ont accès à des emplois souvent difficiles et peu reluisants dans le secteur de l’agriculture, la pêche, les usines et le ménage. Récemment, le gouvernement a annoncé qu’il ouvrait à la catégorie ‘tourisme, hôtel, restauration’ sauf qu’il ne s’agit que des postes de plongeurs ou de commis. Impossible d’être serveur par exemple.”

Pour Doros Polycarpou, expert des questions migratoires et co-fondateur de l’ONG de défense des migrants Kisa à Nicosie, ce système est une fois de plus complètement dépassé et doit être modernisé. À condition de réussir d’abord à faire évoluer les mentalités chypriotes qui, selon lui, conçoivent les migrants comme étant des citoyens de seconde zone.

“Dans les années 1990, nous avions un grand besoin de main-d’oeuvre, nous avons donc commencé à faire venir des travailleurs étrangers. Les entreprises devaient et doivent toujours prouver que l’emploi occupé par l’étranger n’a d’abord pas trouvé preneur parmi les Chypriotes”, explique Doros Polycarpou. “Il arrive aussi qu’on donne des visa de travail temporaires à des étrangers qui viennent travailler dans des entreprises dangereuses. Une fois que les conditions sanitaires et sécuritaires sont remplies, les employeurs les licencient et embauchent des Chypriotes. Ce ne sont que des pions et cette philosophie est entretenue depuis 30 ans. Les migrants n’ont aucune chance de devenir des membres de la société à part entière”, déplore-t-il.

Doros Polycarpou expert des questions migratoires et co-fondateur de lONG de dfense des migrants Kisa  Nicosie Crdit  Anne-Diandra Louarn  InfoMigrantsParfait exemple du traitement réservé aux étrangers, les travailleuses domestiques sont actuellement plus de 20 000 à Chypre originaires principalement d’Asie et de plus en plus d’Afrique. “Ici, ce ne sont pas forcément les familles aisées qui ‘s’offrent’ des domestiques. Il s’agit bien souvent des personnes âgées ou handicapées qui embauchent ces femmes pour les aider à la maison. Les familles reçoivent une subvention de la part du gouvernement pour les payer. Leur salaire tourne généralement autour de 350 euros par mois”, poursuit Doros Polycarpou.

“Ces femmes ne sont pas traitées comme les Chypriotes. Elle perçoivent le même salaire depuis 1991, leur permis de travail est lié à leur employeur, si elles le quittent, elles perdent leur droit de séjour. Elles sont donc dépendantes de leur employeur et les abus sont nombreux, ainsi que les cas de chantage et d’exploitation en tous genres”, affirme l’expert.

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Arrivé à Chypre depuis cinq mois, Ousmane*, un Guinéen de 33 ans, peut témoigner de la difficulté d’être un travailleur étranger à Chypre. “Je suis venu ici avec mon frère. Tout ce qu’on voulait c’est travailler en Europe. Nous avons trouvé un travail d’éboueur. C’est rare les patrons qui acceptent les demandeurs d’asile alors on n’a jamais osé dire quoi que ce soit sur nos conditions de travail”, confie-t-il à InfoMigrants.

Thierry centre et son ami Ousmane sont assis devant le centre pour migrants de Caritas  Nicosie Ils y viennent pour sociabiliser et recevoir du soutien dans leur procdure de demande dasile Crdit  Anne-Diandra Louarn  InfoMigrantsPendant un mois, Ousmane et son frère enchaînent les journées à un rythme éreintant, de 1h du matin jusqu’à 15h sans pause. “Parfois le patron nous accusait de casser des poubelles et retenait 300€ sur notre salaire. En tout, il nous a payé 900€ pour 21 jours de travail à deux. On était prêts à continuer mais le patron ne voulait pas nous faire de contrat, il disait sans cesse : ‘Oui oui, revenez demain signer le contrat’. Mais il ne l’a jamais fait.”

“En gros, ma vie ici c’est de la survie. On ne peut rien faire pour s’intégrer, je me sens complètement piégé”, résume le trentenaire. Assis à côté de lui, sur un banc à l’ombre, face au centre pour migrants de l’ONG Caritas à Nicosie, Thierry acquiesce et renchérit : “Quand par miracle vous arrivez à trouver un emploi, les conditions de travail sont horribles. Il y notamment un gros problème de prostitution. Des employeurs peu scrupuleux acceptent de vous embaucher, par contre à la fin de la journée, ils vous forcent à aller dans leur bureau pour avoir des relations sexuelles.”

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Le HCR et le Cyprus Refugee Council (CyRC) militent pour un meilleur accès à l’emploi. “Parmi les demandeurs d’asile que nous rencontrons, il y a des docteurs, des enseignants, des ingénieurs… Comment survivre s’ils n’ont pas la possibilité de travailler ?”, interroge Katja Saha. “Quid des nombreuses femmes seules qui viennent avec leurs enfants et n’ont aucun accès à un mode de garde ? Ces mêmes femmes à qui l’on propose des horaires de nuit dans une boulangerie qu’elles doivent refuser car leurs enfants n’ont personne d’autre ? C’est tout un système et une façon de pensée qui doit être revu.”

Afin d’encourager les employeurs à recruter des demandeurs d’asile, le HCR et le CyRC organisent régulièrement des ateliers d’information pour les entreprises. Une plateforme de mise en relation entre recruteurs et candidats a également été créée il y a quelques semaines. Le CyRC a déjà enregistré une centaine de candidats et permis à quelques dizaines d’entrer dans la vie active chypriote.

De quoi "redonner l'espoir d'avoir une vie normale", souffle un migrant syrien qui patiente avec sa famille dans la salle d'attente bondée du CyRC à Nicosie. "Mais ici il faut se battre pour tout ce qui paraît normal, maintenant on le sait."

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Crédits
Texte : Anne-Diandra Louarn
Photos / Vidéos : Anne-Diandra Louarn, Charif Bibi
Édition : Charlotte Boitiaux
Rédaction en chef : Amara Makhoul et Vanessa Burggraf